Baptisés, prêtres, développons en nous l’appel à dire à tous les hommes que son Fils est ressuscité pour devenir l’unique Pasteur de tous
En 2004, me trouvant dans le quartier touristique et culturel du Vieux Lyon et des Pentes de la Croix-Rousse j’écrivais cette réflexion (voir ci-dessous) qui a pu me servir dans le cadre de l’homélie du dimanche au jour de la journée des vocations. Je m’interrogeai sur le « poids d’une formation ecclésiastique ». Interrogation qui demeure et j’en prends pour preuve la conversation récente, suite à l’eucharistie de dimanche dernier avec un paroissien : « le prêtre, comme l’enseignant, est assuré de posséder la vérité. Il ne peut qu’imposer ses connaissances, son savoir. Il a été formé pour cela ».
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Quand je regarde l’assemblée eucharistique (la messe) et que, en même temps, je pense aux personnes qui sont dans la rue ou autres lieux publics, faisant leurs courses ou se promenant pour visiter la ville ou venant à un spectacle, je ne peux que constater l’énorme différence. Entre nous et eux, c’est comme si ce n’était pas le même monde. Du reste, ce constat m’a été confirmé par un jeune homme qui, un dimanche matin, poussa la porte de la messe, selon son expression. « Pour la première fois dans ce quartier, m’a-t-il dit, je ne me suis trouvé qu’avec des gens inconnus ». Il appartient, dans ce petit territoire croix-roussien, à un autre réseau que le nôtre.
Observons un autre fait. Des jeunes de moins de 20 ans sont assis sur des marches d’escalier le matin à 10 h. puis le soir à 18 h et on les retrouve à 22 h. Ils sont là, sans rien faire. De quoi parlent-ils ? moto, foot, copains, fille, fête, canette, et encore et toujours : meuf, teuf…, grave, c’est trop cool ! Cela tourne en rond semble-t-il : on rouille aux pieds des immeubles, avouent-ils.
Un autre fait encore, toujours sur le quartier des pentes de la Croix-Rousse. De jeunes adultes, écolo, cherchent à vivre simplement. Ils refusent la consommation outrancière de l’économie libérale. Comment leur faire comprendre que leur art de vivre est celui de l’Évangile alors qu’ils détournent la tête dès qu’ils entendent le mot Église ? Jésus, les rencontrant, leur aurait dit, vous n’êtes pas loin du Royaume.
Alors ! Il faut le reconnaître, l’Église, par l’âge de ses membres, de ses cadres, par l’origine socio-culturelle de la majorité de ses fidèles, par les formations données dans les séminaires est coupée de l’expression populaire de la rue ou de la façon de vivre d’un grand nombre de contemporains. Pourtant, actif dans l’Église, nous voulons, et devons, adresser à tous une Parole d’Évangile.
Je me pose la question : sommes-nous capables, avec le poids culturel que nous portons, nos conditionnements… prêtres, sommes capables d’annoncer efficacement la Parole de Dieu ? Comment parler en étant assurés d’être compris ? Saurons-nous, un jour, livrer à tous, la saveur de l’Évangile ? Autrement dit, j’affirme : à cause de notre formation, de notre passé, nous ne sommes pas compétents pour nous adresser à tous. Comment nous faire comprendre par les personnes qui émergent d’autres milieux culturels que le notre ?
Mais la mission demeure. L’Esprit Saint nous demande de traverser les frontières : Je vous envoie, dans toutes les nations, baptiser au nom du Père et du Fils et de l’Esprit.
En effet, si par formation nous ne savons pas parler à ceux qui sont différents de nous, nous le pouvons par vocation. Parlons ! et Dieu fera le reste. Que la Parole soit entendue ! Voilà ce à quoi je pense en me référant à la journée des vocations. Développons en nous l’appel à dire à tous les hommes que son Fils est ressuscité pour devenir l’unique Pasteur de tous. Oui, parlons en ! Dieu, par son Esprit, nous donne les mots qui conviennent. Il nous aide à étudier le langage des gens à qui nous devons parler pour que nous puissions employer les bonnes expressions. La conversion nécessaire pour parler en étant compris est un don de Dieu. Paul l’a vécu. Barnabé aussi. C’est ce que nous indique le récit des actes des Apôtres où l’on voit Paul et Barnabé se retourner vers les païens non-juifs en choisissant, finalement, de prendre leur langage, les compatriotes juifs n’ayant pas voulu les écouter. Aux Grecs et aux Romains, Paul enseigne que le Christ est la lumière des Nations qui apporte le salut à tous malgré les difficultés rencontrées. Une foule immense de baptisés est désormais conduite par l’unique Pasteur, le Christ, qui, comme un agneau, par son sacrifice nous a lavé dans son sang ainsi que l’exprime la tradition religieuse de l’Ancien Testament. Élu, appelé par Dieu, nous portons la robe blanche (image de l’Apocalypse), nous tenant devant lui. ressuscité avec lui. Tel est l’image de l’Église à venir, peuple de Dieu constitué par Celui qui apporte toute consolation.
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Le vrai Pasteur, le seul capable de bien conduire les hommes ne demande pas d’obéir à un code moral, à une loi. Ce Pasteur écoute la voix de ses brebis et ses brebis, en retour, le connaissent, le reconnaissent. Elles savent qu’entre les mains de ce Bon Pasteur rien de méchant ne pourra leur arriver. Elles expérimentent, au contraire, tout le bonheur qu’il y a à écouter la voix du Berger (Jn 10 et 13).
La conversion qui est demandée aux apôtres consiste à se détacher d’une religion codifiée par une série de lois afin de pouvoir suivre librement l’unique Pasteur Universel. Pendant trois années de vie commune, les apôtres ont vu comment Jésus vivait, où il demeurait, ce qu’il faisait. Ils ont écouté sa voix. Ils ont su que Jésus ne les appelait pas serviteurs mais amis. Ils ont compris que l’attachement à la personne de Jésus se doublait d’un détachement. Sortir de soi, sortir de son langage, de son enracinement humain, familial et religieux pour pouvoir, au travers des difficultés de communication, sous l’impulsion de l’Esprit-Saint, être témoin de la résurrection. Sortir de ses habitudes pour partir à la rencontre de l’autre afin de, dans son langage, lui faire comprendre tout le bonheur qu’il y a à vivre selon l’Évangile : Je leur donne la vie éternelle, enseigne Dieu par le Christ.
Et la joie de la résurrection doit se voir, au quotidien, dans notre vie ordinaire tant dans la façon dont on célèbre la naissance que dans la façon dont on célèbre la mort. C’est pour cela que nous avons reçu le baptême et que nous baptisons : être de la famille de Dieu pour que vive l’Amour.