Les catholiques sociaux face à la crise financière

Publié le par Michel Durand

Les Semaines Sociales s’ouvrent cette année à Lyon. La soirée de Samedi sera consacrée à l’actualité de la crise financière. Les textes que je lis, dont un reçu de l’instance locale, « l’Antenne Sociale », m’incite à poser la question : la démarche des membres des Semaines Sociales n’est-elle pas trop éloignée de l’attitude radicale qui devrait être celle du disciple du Christ ?
Pour tenter de répondre à cette question, j’ai apporté mes commentaires à une réflexion d’Hugues Puel.
Ma conclusion est de dire que cette approche, qui ne remet pas fondamentalement en cause l’économie libérale du marché, sort du cadre de l’Evangile.
Ai-je raison ?

Quel est votre avis ?

Hugues Puel

Il est toujours utile de se faire rappeler que l'argent peut devenir un roi tyrannique, un maître mauvais, une idole trompeuse, un diable fou. Les catholiques sociaux le savent, eux qui s'interrogent couramment sur leurs responsabilités comme salarié, comme employeur, comme consommateur, comme épargnant, comme citoyen. Ils n'ont pas oublié les grands textes de la tradition sociale chrétienne depuis Rerum Novarum, ces choses nouvelles,  dont parlait Léon XIII en 1891.

Que savons-nous de la présente situation de notre économie ? D'abord, qu'elle a connu depuis vingt ans de nombreuses crises boursières, *ce marché de titres financiers étant sujet à des euphories avec des effets d'imitation qui s'achèvent par des renversements dépressifs. Ce sont les cycles classiques de la conjoncture économique caractéristiques d'une économie monétaire et financière dont la base réelle est cette destruction créatrice qu'engendre le progrès technique avec ses innovations et les réorganisations productives qui s'en suivent. Avec le mouvement socialiste et les syndicats de salariés, les catholiques sociaux ont milité pour que les conséquences sociales négatives en soient corrigées **par une politique sociale adaptée, selon les principes d'une économie sociale de marché.

* Il faut s’interroger sur la nature essentielle de l’économie monétaire. L’a. procède par acte de foi quand il parle de destruction créatrice avec réorganisations productives. Si celles-ci étaient opératoires pour l’ensemble des peuples, elles auraient plus de crédits. Mais, de fait, elles se sont mises en place avec les conquêtes commerciales des Portugais d’abord et ensuite de toutes les colonisations. Les progrès industriels en Europe se sont établis sur le pillage de ce qui sera appelé le Tiers-Monde. Enrichissement de l’Occident au détriment des autres pays. Et les pays émergeant suivent le même chemin. Le marché est foncièrement enraciné dans une injustice mondiale.
   ** Quand les fondements sont faussés, il n’est pas possible de corriger ce qui s’en suivra.
Reconnaître les abus est insuffisant ; un remède correctif n’est possible que sur un corps sain. Si les principes d’une économie de marché sont foncièrement mauvais, ils ne peuvent rien corriger du tout. Le croire est un acte de foi autant absurde que ce lui qui dit qu’avec la révolution violente tout est possible. L’a opère sa réflexion à l’intérieur d’une économie de marché acceptée sans interroger celle-ci. Reprendre les textes de l’E sur l’interrogation de l’économie de marché, le capitalisme.
 On sait aussi que la présente crise est plus grave que les précédentes. Elle n'est pas seulement boursière. Elle a commencé aux Etats-Unis dès 2006 avec le renversement du marché immobilier et les hypothèques consenties imprudemment sous la pression de courtiers indélicats par des ménages à la solvabilité douteuse. Elle s'est poursuivie par la titrisation de ces créances à taux élevés dans des produits financiers complexes qui, répandus par un grand nombre de banques du monde dans l'ensemble du marché des crédits, ont transformé la crise hypothécaire en crise bancaire. Désormais, la confiance fait défaut. Des clients affolés ont retiré leur dépôt de certaines banques et surtout les banques ne se font plus confiance entre elles. Si le gouvernement américain et sa banque centrale n'étaient pas intervenus lourdement, l'ensemble de l'économie réelle monétarisée du monde serait entrée dans une crise de type 1929. S'il est une thèse assurée dans le catholicisme social, c'est celle de la régulation suprême de  l'économique par le politique. ***L'événement le confirme avec éclat contre les libéraux qui croient à la souveraineté du marché. 
*** Cette régulation suprême par le politique demande que soit définit le contenu du politique. Sens de l'homme qui est premier, dont le travail est au service de son épanouissement, réponse à ses besoins, pas plus. Mettre en rapport besoins et désirs. mettre en relation misère et bonheur. Justice et fraternité universelle. Avoir ou être. Une politique de partage et non d'accumulation. Reprendre la tradition de l'Eglise contre les prêts usuraires.
Ne croire à aucune souveraineté du marché à n'importe qu'elle niveau.


 
 
Le catholicisme social affirme avec continuité**** la supériorité du travail sur le capital. Or celle-ci est niée par une gestion des entreprises dont la forme sociétaire a poussé en sens inverse vers la maximisation de la valeur pour l'actionnaire, enrichissant les dirigeants actionnaires et les fonds de pension destinés à faire jouer à l'épargne privée les fonctions d'assurance sociale que les Etats auraient dû assurer. Sans doute certains courants dans la Commission européenne ont-ils promu la thèse de la responsabilité sociale des entreprise en soulignant que, au delà des actionnaires, d'autres partenaires devaient être pris en compte : salariés, clients, fournisseurs, collectivités publiques et ainsi que l'environnement immédiat tant social qu'écologique. Cette thèse de l'économie sociale de marché***** n'eut qu'une influence réduite, tant l'avidité des actionnaires était grande  et forte la pression  du court terme.

Il y a deux choses que, pas plus les autres hommes, chrétiens ou non, les catholiques sociaux ne savent : ce sont les conséquences qui vont suivre et les leçons que la communauté internationale va en tirer.


**** la supériorité du travail sur le capital est indéniable et accuser l'avidité des actionnaires, même des actionnaires salariés dans la même entreprise est juste. Mais l'a. n'interroge pas le travail qui, excessif, favorise un progressisme technique, un surcroît de production, facteur de déséquilibre.Car ce surcroît n'est pas au service de tous, mais à l'enrichissement de quelques uns. Processus connus depuis le XVe s. 

***** soumis à l’avidité de l’avoir qui a écouté ces analyses de l’économie sociale ?
Le pire est à venir, dit l'un. La crise va déployer tous ses effets sur toutes les économies du monde qui vont connaître une sévère récession avec des conséquences sociales et politiques tragiques, voire des guerres. L'absence de coordination internationale empêchera de prendre les mesures efficaces, les  Etats se replieront sur eux-mêmes et l'Europe éclatera sous le poids de ses contradictions internes. ******L'autre n'a pas encore perdu toute confiance dans les responsables politiques et pense que ceux-ci seront capables d'imaginer et de faire adopter les mesures indispensables pour éviter le pire et remettre en route une économie monde qui, pendant les quinze dernières années a sorti un milliard de ses habitants de la pauvreté. Pourquoi avec un surplus de lucidité, de conscience et de courage ne pas parvenir dans les décennies qui viennent à mieux satisfaire les besoins d'une population en croissance et répondre aux défis écologiques ? 
****** l’a. se situe parmi cet « autre » selon son acte de foi fondamental dans les vertus de l’économie de marché. Il croit que la croissance économique a sorti un  milliard d’hommes de la pauvreté, il devrait dire misère. C’est la thèse de Blardone entendue il y a 30 ans : plus le gâteaux fabriqué est gros, plus on a de quoi partager. Quand je répondais à Blardone que depuis la fin de la guerre je n’ai pas été témoin d’un authentique partage universel, il me répondait qu’il ne fallait pas croire au déterminisme. Contre la fatalité du non partage, un espoir , une vision du progrès de l’homme était possible.. Je suis d’accord, mais sur les bases d’une vision économique qui permet se partage. Or l’économie de marché n’étant pas interrogée, le chemin entrepris ne conduira que dans la mauvaise direction. 
 La vision positive n'a de chances de  se réaliser que si sont vraiment tirées les leçons de la crise en cours. D'abord remettre en place les régulations du crédit qui avaient été instaurées après la grande crise de 1929 et imprudemment supprimées aux Etats-Unis et en Grande-Bretagne, même si elles furent moins profondément démantelées en Europe, mais avec l'adaptation nécessaire à une situation où la financiarisation de l'économie a pris des proportions extravagantes. *******Ensuite rééquilibrer les taux d'épargne à l'échelle mondiale tant il est scandaleux que l'épargne des Chinois permette aux Américains d'améliorer leur niveau de vie en s'endettant au-delà de leur revenu. Surtout organiser un véritable gouvernement économique de la planète à l'échelle du niveau d'interdépendance auquel nous sommes parvenus : marché monétaire, marché financier, marché des changes, règles commerciales, fiscalité, coopération et grands travaux.


******* OUI, il n'y a que régulation sans que les problèmes de fond, mis à jour, par une crise soient abordés.
 Si l'évêque de Rome a des choses neuves à dire sur ces choses nouvelles en cours, nous serons particulièrement à l'écoute de sa parole. Pour leur part, les catholiques sociaux continueront à exercer leur vigilance évangélique******* sur toutes les dimensions sociales de leur existence.


******** Vigilance évangélique pour soigner un corps malade qui aurait besoin d’une opération chirurgicale. Evolution correctrice aveugle face aux pbs fondamentaux.  
 Hugues Puel.
6 octobre 2008
Michel Durand, dans le risque de la relecture
   
   

Publié dans Politique

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