Assez ... Assez ! Visage d'Eglise
Il est toujours difficile de répondre rapidement à une foule de questions complexes. Comment ne pas prêter aux autres ses propres réflexions, comment ne pas leur
faire dire ce que l'on pense soi-même ?
De retour à mon bureau, je trouve la
feuille paroissiale de St Augustin, Ste Elisabeth que l'on vient de déposer sur ma table : Vivre
en Paroisse, avril 2009, n° 214. J'y lis un article, vraisemblablement rédigé par le curé, Patrick Royannais, mais comprenant parmi les signatures, les noms des membres de l'équipe d'animation
pastorale. Toute l'EAP manifeste donc son accord avec cette « lettre ». Je regrette de ne pas avoir noté le nom de la journaliste, car j'aurais bien lui envoyer ce texte. Il est la réponse
à toutes ses questions. Par ailleurs, je suis en plein consonance avec ce qui s'y exprime. En effet, prenons de la
distance avec les évènements actuels, regardons l'histoire de l'Eglise. Un pape, une curie ne fait pas l'Eglise. Nous avons avant tout à constituer le corps
du Christ, là et l'Eglise et pour cela mettons-nous à la suite du Ressuscité.
Texte de l'EAP de St Augustin - Ste Elisabeth (Lyon 4ème)
La situation ecclésiale est trop explosive pour que nous persévérions dans le silence. Le feu ne s'éteint pas ; le dimanche 29 mars, à Fourvière, à l'heure de la messe, des militants homosexuels ont manifesté. Le Cardinal Barbarin les a reçus et eux-mêmes en semblaient tout étonnés. Il ne suffit plus de s'abstenir de jeter de l'huile sur le feu, il faut désormais s'engager à l'éteindre.
Situation explosive ? Pour ne parler que de ce qui s'est passé depuis le début de l'année 2009, il y a au moins quatre prises de position qui indignent nombre de catholiques (je ne parle ici que d'eux) : levée des excommunications, nomination en Autriche d'un évêque auxiliaire qui doit aussitôt démissionner, excommunication brésilienne suite à l'avortement d'une fillette de 9 ans violée par son beau-père, propos de Benoît XVI sur le préservatif dernièrement et malheureusement relayés par l'évêque d'Orléans. Ces événements suscitent chez les catholiques d'abord des troubles graves que les dissensions, au sein du magistère ordinaire, mettent notamment en évidence ; je ne cite que la lettre de la conférence des évêques d'Allemagne réclamant au Pape explications, collégialité et réforme de la curie romaine ; la querelle par média interposés entre le Cardinal CastrilIon Hoyos et le porte parole du Saint Siège ; le désaveu de l'évêque de Recife (soutenu à Rome par le Cardinal Re) par la conférence des évêques du grésil ; la lettre de la conférence des évêques d'Autriche après la démission de l'évêque auxiliaire en question. Le tollé jamais vu dans le monde diplomatique et politique suite aux propos sur le préservatif, pour n'être pas intra-ecclésial, n'en est pas moins stupéfiant.
On pourra reprocher aux médias de déformer, de mal transmettre. Pas sûr que dans aucun de ces quatre cas, le reproche soit juste. C'est plutôt la lettre d'un Mgr Daucourt, par exemple, suite à l'affaire brésilienne, qui a été trop peu médiatisée alors qu'elle prenait vertement position contre l'attitude de l'archevêque de Recife ! Que certains cherchent à « se payer le Pape », comme dit le Cardinal Vingt-Trois, c'est certain. Mais réduire toute contestation à celà, c'est refuser d'entendre la voix de nombreux catholiques loyaux ; c'est les mépriser.
Nombre d'entre nous sont pris à témoin, par les amis, les voisins, les parents d'élèves, les collègues de travail, la famille : comment pouvez-vous demeurer catholique ? Comment pouvez-vous être solidaires de tels propos ? Des paroles agressives ont été lancées : « si les catholiques ne peuvent pas changer de Pape, qu'ils changent de religion ! » Force est de reconnaître que l'attitude miséricordieuse de Jésus n'a pas toujours sauté aux yeux.
Prêtres, nous sommes aussi interrogés par plusieurs d'entre vous : Que va-t-il se passer avec toutes ces incompréhensions ? Que devons-nous faire ? Nous entendons : je vais arrêter de pratiquer, je vais quitter l'Eglise ! Nous vous en supplions : Ne faites pas cela. Ne vous coupez ni du Christ ni de son Eglise, qui certes est la prostituée que le prophète Osée doit épouser sur ordre de Dieu mais qui est aussi celle qui, dans le monde et chez nous, témoigne de façon intrépide de la miséricorde et de la sollicitude de Dieu, en particulier auprès de ceux qui souffrent, par exemple du Sida.
Si vous voulez faire quelque chose, que ce soit proportionné, on dirait en latin, raisonnable ! Ecrivez à votre évêque, non une pétition, mais une lettre personnelle. Votre confirmation vous fait témoins de la Bonne Nouvelle, et avec lui, même si c'est en partie différemment de lui, responsables de la mission de l'Eglise (Ac 1,8). Faites-lui part de votre avis, posément, sans amalgames scandaleux et stupides (comme nous les avons entendus : « Benoît XVI, levant l'excommunication d'un évêque révisionniste à cause de son passé dans les jeunesses hitlériennes »). Pourquoi ne pas demander aux évêques que la prochaine fois qu'ils parlent en matière morale, ils disent d'abord et principalement la miséricorde à la suite du Christ. On n'a jamais vu Jésus condamner personne à part ceux qui lient de pesants fardeaux et interdisent ainsi l'accès au Royaume (Lc 11,46 et Mt 23,13 à comparer à Jn 8,1-11 et Mt 21,31 par ex). Vous imaginez que si nos évêques, dans de nombreux diocèses reçoivent des centaines de milliers de lettres, ce sera plus efficace que de claquer la porte. Peut-être même que cela libérera la parole de ceux qui se sentent coincés ; personne ne pourra leur reprocher une parole qui prendrait ses distances vis-à-vis de tel ou tel propos, même papal, s'ils font seulement part du mouvement massif dont ils sont les témoins obligés.
Vous le savez, la prise de parole n'est pas commode. Ne rien dire nous est insupportable et risque d'ébranler un peu plus l'Eglise. Ces derniers temps, c'est le magistère qui a ébranlé l'Eglise mais nous serons vite accusés de l'ébranler à notre tour à exprimer notre désaccord. Sans doute d'ailleurs ce texte nous sera reproché par certains d'entre vous.
On ne saurait quitter l'Eglise à la légère, sous prétexte d'être plus fidèle au Christ, lui qui a joué le jeu de l'incarnation jusqu'au bout, prêt à s'en remettre, pour transmettre son évangile, à la faiblesse des pécheurs et de l'Eglise. Quel apôtre n'a pas trahi (et l'on parlera ailleurs du cas du disciple que Jésus aimait) ? Voilà la radicalité de l'incarnation ; il assume non seulement la chair mais aussi l'humanité. Pourrions-nous faire autrement que lui et ne pas nous en remettre à l'Eglise pour que l'évangile soit transmis ?
Le Christ nous révèle un Dieu Père. Dès lors, tous les hommes sont frères. Pourrions-nous ne pas être dans le même bateau, la même barque, que tous ceux qui ont entendu la bonne nouvelle de cette fraternité ? Certes, nous ne sommes pas toujours d'accord avec tous, mais comment témoigner de la fraternité universelle en se coupant de la fraternité ecclésiale ? Sans compter que chacun de nous, parfois aussi, est cause de souffrance pour les autres.
Nous ne pouvons quitter notre Eglise, ni sur la pointe des pieds, ni en claquant la porte. Nous savons trop, maintenant, que nous sommes en minorité, ce qu'est l'Eglise et combien l'évangile est la source de notre vie. Nous ne pouvons nous en couper alors que nous apprenons à vivre comme une grâce d'avoir été saisis par le Christ. Nous avons, bien entendu, la théologie conciliaire, traditionnelle, selon laquelle tous les chrétiens sont chargés depuis l'onction baptismale, du sacerdoce (prière), de la prophétie (annonce de la parole) et de la royauté (gouvernement). Certes, l'Eglise n'est pas une démocratie. Et qui en rêve quand on voit les possibles dérives démocratiques (abstention, comédie du pouvoir, « peoplelisation » etc.) ? Mais elle n'est pas une tyrannie pour autant. La synodalité permet un mode de gouvernement original. L'Eglise est plus vivante quand les responsables écoutent effectivement et ne pensent pas être les seuls à avoir raison et droit à la parole.
Nous vivons une mort. Nous ployons sous le fardeau. Il devrait en naître quelque chose ... si du moins notre espérance en la résurrection n'est pas vaine. Et nous le voyons déjà. Nous sommes reconduits au cœur de la foi, nous sommes convoqués à une parole responsable, une parole qui tâche de répondre à la Bonne Nouvelle. De cette mort advient un corps que nous voyons naître dans le premier né d'entre les morts. Nous n'avons pas à défendre une Eglise, une vision de l'Eglise contre une autre. Nous assistons à la venue de l'Eglise, dans les douleurs d'un accouchement. Notre rôle en Eglise n'est pas tant de conserver un passé, de promouvoir une tradition aux dépens d'une autre, mais d'être les sentinelles, les préposés de l'espérance, prêts à repérer la vie, malgré la mort, la vie qui advient de la mort.
Georges GAILLARD, EAP ; Régis GIRARD, prêtre ; Annick GREAUD, EAP ; Hugues LHOPITAL ; EAP ; Jean-Claude MEYER, prêtre ; Emilie MOLIN, EAP ; Patrick ROYANNAIS, curé ; Guillemette TRACOL,
EAP.
Vivre en paroisse avril 2009