Ces barbares primaires fécondent une Rome déliquescente et engendrent l’ère chrétienne. Ils provoquent l’éclosion de nouvelles civilisations

Publié le par Michel Durand

Epoque viking, Trésor d'Oseberg, Musée des bateaux vikings.

Epoque viking, Trésor d'Oseberg, Musée des bateaux vikings.

L’Art et l’Homme en questions :
Des Scythes aux Vikings, les Barbares
« L’horizon pour feuille de route »
Peut-on habiter sans bâtir ?

Texte de René Mignot

Barbare ! Voilà un des mots les plus… barbares qui soient : des noms qui tintent comme des menaces, des pas sous lesquels l’herbe ne repousse pas. « Barbare », dans le lointain sanskrit, qualifiait celui qui bredouille ; « barbaros », « l’helléniste » disqualifiait le non-grec ; « barbarus », le latin, indiquait l’étranger et, pour les chrétiens des débuts, le païen. Toujours, ce Barbare a le mauvais esprit de piétiner les terres et les mœurs de celui qu’il envahit, d’entrer chez les autres en prenant la peine de frapper… plutôt fort. Singulièrement, cet intrus aux rudes manières parvient souvent à revivifier les lieux qu’il submerge et à provoquer l’éclosion de nouvelles civilisations, brillantes et raffinées.

Les peuples barbares, citoyens des vastes espaces, vont, au gré de leur nature nomade, mus par les nécessités existentielles. Pas de cités opulentes ; leurs aires d’attache sont modestes et éphémères. A l’encontre des empires agraires, l’architecture n’est pas le fait majeur de leurs modes artistiques. Si piètres bâtisseurs, ils vont toutefois générer, gérer et totalement « habiter » de larges pans de l’Histoire. D’architecture, à peu près rien ; mais pour ce qui relève de l’art mobilier, propre au nomadisme, quel haut degré de technicité, d’imagination et de poésie !...du tissage à la poterie, de l’orfèvrerie à la métallurgie.

Quels peuples se prévalent du titre de « Barbare » ? Des noms ! Des noms !... Ceux d’il y a fort longtemps : Celtes anciens, Germains, Scythes, Parthes… Ceux d’après Jésus Christ : Celtes gaulois, Goths, Sueves, Alamans, Wisigoths et Ostrogoths, Francs, Saxons, Bretons, Angles, Jutes, Burgondes, Vandales, Alains, Lombards, Huns, Vikings… Noms familiers à nos livres d’écoliers qui retentissent dans nos encyclopédies universelles et maintenant dans nos ordinateurs ; noms qui disent l’écheveau complexe des va-et-vient de l’Histoire ; noms accompagnés de nos légitimes effrois. Ces peuples envahisseurs, ravageurs même, sociétés primaires, qui vont jusqu’à féconder une Rome déliquescente et à engendrer l’ère chrétienne ; ces Barbares qui font violence aux habitudes. Aucun édifice grandiose ne mémorise leurs passages. Pourtant, ainsi que le chante le poète, ils habitent tous les biens et tous les lieux d’ici-bas. Habiter sans bâtir ?

René Migniot

 

Le monde ne peut appartenir aux casaniers, si l’on en croit le Romantique Esias Tegner

« ..... tu n’auras d’autre tente
Que la voûte du ciel : le Viking s’en contente,
Dors sur ton bouclier, ton épée à la main ;
Ne t’enferme jamais : rien n’est plus incertain.
Ne crains pas d’affronter de près ton adversaire :
C’est avec ton manteau que Thor, dans sa colère,
Assomme les géants ; celui qui n’a plus peur
N’a pas besoin d’avoir une arme de longueur.
Mets la voile au plus haut quand souffle la tempête,
Car c’est le vrai moment où la mer est en fête.
Que les biens d’ici-bas appartiennent aux braves !
Tu règnes par le fer dont l’or n’est pas l’esclave.
Le sort doit décider quelle sera ta part
De butin ; hors de là, point de jeux de hasard :
L’honneur te les défend. S’agit-il de combattre,
Un Viking doit avoir de l’entrain comme quatre,
Si tu veux parmi nous faire bonne figure,
Attends au lendemain pour panser ta blessure
Reçue en combattant : c’est un honneur pour toi !
Tel sera ton salut, autrement dit, ta loi. »

Esias TEGNER. Poète Danois. 1920. Traduction A. Gaston Pérot

 

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