Le peuple juif est celui du judaïsme de la Torah avec ses commandements, peuple d’un mode de vie spécifique, au plan spirituel et moral

Publié le par Michel Durand

J’ai lu ce matin à l’office des lectures cette prophétie de Michée : « Et des peuples nombreux viendront et diront ; Venez, montons à la montagne de Yahweh, et à la maison du Dieu de Jacob ; Il nous instruira de ses voies, et nous marcherons dans ses sentiers. " Car de Sion sortira la loi, et de Jérusalem la parole de Yahweh.

Les frères VAN EYCK, le prophète Michée *.     Destruction en Palestine.Les frères VAN EYCK, le prophète Michée *.     Destruction en Palestine.

Les frères VAN EYCK, le prophète Michée *. Destruction en Palestine.

* Pour une description de cette œuvre, venir ici. Source de la photo d'actualités L'Exrpesse

Michée 4, 3-6 :

Il sera l'arbitre de nations nombreuses, et le juge de peuples puissants, jusqu'au loin. Ils forgeront leurs épées en socs de charrue, et leurs lances en faucilles; une nation ne lèvera plus l'épée contre l'autre, et l'on n'apprendra plus la guerre. Ils resteront assis chacun sous sa vigne, et sous son figuier, sans qu'il y ait personne pour les troubler; car la bouche de Yahweh des armées a parlé. Car tous les peuples marchent chacun au nom de son dieu; et nous, nous marchons au nom de Yahweh notre Dieu, toujours et à jamais. En ce jour-là, - oracle de Yahweh, je recueillerai celles qui boitent, je rassemblerai celles qui étaient dispersées, et auxquelles j'avais fait du mal ».

Et je tente de suivre l’actualité du Proche Orient. Triste actualité ! L’Appel à soutenir la Palestine demeure et, personnellement, je souhaite que « Palestine vivra » soit une réalité. Je ne peux soutenir « Palestine vaincra ». En effet selon la révélation biblique tous les peuples sont destinés à vivre en paix, sans conquête. Ni économique, ni territoriale. On en est loin ! Corruption des gouvernants ?

Robert Divoux communique ce texte ci-dessous écrit en 2006 ; je trouve cette parole toujours valable. Robert Divoux commente : Un article de 2006 qui éclaire encore le présent. Lisons. Je pense que c’est un juste prolongement de la prophètie de Michée.

Yeshayahou Leibowitz :

« Le peuple juif historique ne fut défini ni comme une race, ni comme le peuple de tel ou tel pays ou de tel cadre politique, ni même comme le peuple qui parlerait telle langue, mais comme celui du judaïsme de la Torah et de ses commandements, le peuple d’un mode de vie spécifique aussi bien sur le plan spirituel que sur le plan pratique, mode de vie qui exprime l’acceptation du joug du Royaume des cieux, du joug de la Torah ».

 

Rédigé pour Le Devoir (Montréal) en septembre 2006 :

Contre amalgames entre Israël et Judaïsme
Yakov M Rabkin

L’auteur est professeur d’histoire et membre du Réseau d’études du Moyen-Orient et du Centre d’études et de recherches internationales de l’Université de Montréal (CERIUM).

Son dernier ouvrage s’intitule Au nom de la Torah : une histoire de l’opposition juive au sionisme (Presses de l’Université Laval).

« Dans son article (Le Devoir, du 25 septembre 2006) Ghila Sroka défend la politique d’Israël au Liban en concluant que « le peuple juif n’aspire à rien de plus que la normalité qui lui est disputée par l’incessante remise en question de la légitimité d’Israël ». Elle répond à un autre article qui dénonce cette politique en l’attribuant aux abus de l’histoire juive.

Sans me prononcer ici sur la légitimité de la récente guerre, ni même sur les abus de l’histoire, je tiens à souligner l’importance d’arrêter d’interpréter le comportement de l’État d’Israël - d’une manière positive ou négative - par des amalgames avec le judaïsme.

Tant les sionistes que leurs détracteurs juifs s’entendent pour dire que le sionisme et l’État d’Israël constituent une véritable révolte contre la tradition juive. Nous savons tous que le sionisme ne fait point l’unanimité parmi les juifs. Lorsque, à la fin du 19e siècle, les sionistes ont appelé les juifs à se rassembler en Palestine dans le but d’y former « une nation nouvelle », cette idée radicale a rebuté la grande majorité des juifs, tant athées que pratiquants. L’opposition de principe la plus tenace est venue des érudits du judaïsme qui rejettent comme absurde le concept sioniste de la nation, selon eux, un pastiche tardif du nationalisme européen du 19e siècle. Le sionisme, en effet, constitue une rupture dans l’histoire juive, voire sa négation.

Même si elle peut paraître innocente, l’identification automatique entre l’État d’Israël et, de l’autre côté, les juifs et le judaïsme est dangereuse. Elle mine la confiance en égalité et en tolérance dont font preuve les juifs qui préfèrent vivre en diaspora. Selon le philosophe israélien Joseph Agassi, cette identification considère l’antisémitisme comme inéluctable et Israël comme le seul endroit au monde où les juifs puissent se trouver en sécurité. Selon lui, ce concept est essentiellement antidémocratique : il nie a priori la valeur de l’émancipation des juifs dans l’ensemble du monde moderne. Il sert aussi à justifier l’exigence sioniste de voir tous les juifs soutenir Israël, souvent aux dépens des intérêts nationaux des pays dans lesquels ils vivent. Cette identification automatique suggère que la souveraineté ethnique protège l’homme moderne mieux que la société libérale et pluraliste qui est la nôtre.

On peut comprendre les leaders israéliens qui articulent cette identification en clamant, pourtant sans mandat à cet effet, que l’État d’Israël est légataire de la Shoah et agit au nom des juifs du monde entier : ils cherchent à légitimer leurs politiques par tous les moyens à leur disposition. Leurs alliés dans la diaspora qui annoncent publiquement que la communauté juive est unanime dans son allégeance à l’État d’Israël font face à une situation plus ambiguë : ils savent que ce genre de déclarations alimente la violence anti-juive. En plus, ils ne sont pas sans savoir qu’il n’existe pas une seule communauté juive. Au sein du Québec, par exemple, il faut plutôt parler de communautés juives différentes qui ont des positions variées sur toutes sortes de sujets.

Même si beaucoup de juifs se solidarisent avec l’État d’Israël et y apportent un soutien sans réserve, d’autres juifs protestent vigoureusement contre le gouvernement actuel d’Israël, en croyant que l’éthique juive les enjoint de condamner les opérations de Tsahal. Ils annoncent haut et fort : pas en mon nom ! D’autres encore protestent contre l’existence même d’un État réservé aux juifs. Cette diversité d’opinions est ce qui depuis toujours a fait la spécificité du peuple juif.

Il n’est donc pas étonnant qu’il y ait plus de chrétiens que de juifs parmi les partisans inconditionnels de l’État d’Israël. Les églises évangéliques constituent, depuis des années, le pilier intérieur le plus important de l’appui que le gouvernement de George W Bush offre à l’État d’Israël [ndlr : l’article date de 2006]. Cette circonstance donne une raison de plus de dissocier le judaïsme des analyses des politiques que poursuit l’État d’Israël. Il ne faut plus parler de « l’État juif » ou du « lobby juif » mais plutôt de « l’État sioniste » et du « lobby sioniste ». On affirme même que cette dissociation est impérative. Toujours selon Agassi, « Quand on parle d’État juif pour désigner Israël, par exemple, cela donne lieu à une confusion aussi réelle que dangereuse entre la foi et la nationalité. »

L’État d’Israël a depuis longtemps atteint l’âge de majorité. On peut en comprendre les politiques, les critiquer ou les appuyer sans se référer au judaïsme et à la tradition juive contre lesquels le sionisme s’est insurgé dès ses débuts. L’État d’Israël n’est pas habité que par des juifs : d’autres minorités mises à part, la minorité arabe est à elle seule aussi importante en Israël que la population francophone au Canada.

Comme nous rappelle Yeshayahu Leibowitz, grand intellectuel israélien du dernier siècle :

« Le peuple juif historique ne fut défini ni comme une race, ni comme un peuple de tel ou tel pays ou de tel cadre politique, ni même comme le peuple qui parlerait telle langue, mais comme celui du judaïsme de la Torah et de ses commandements, le peuple d’un mode de vie spécifique, aussi bien sur le plan spirituel que sur le plan pratique… »

Le peuple juif a survécu à travers son histoire plus qu’un État. Ghila Sroka a raison d’écrire que le peuple juif, comme, par ailleurs, tout autre peuple, aspire à la normalité. Mais, il est faux d’associer cette aspiration au sort d’une structure politique, même si elle se nomme l’État d’Israël.

 

 

Publié dans Anthropologie, Politique

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