Continuer à poursuivre indéfiniment la croissance des richesses dans un monde fini ? Ou se résoudre à la décroissance ?

Publié le par Michel Durand

Continuer à poursuivre indéfiniment la croissance des richesses dans un monde fini ? Ou se résoudre à la décroissance ?

Jean Aubin m’a fait savoir que les idées qu’il développe s’approchent très nettement de ce que je peux écrire sur en manque d’Église. Alors que je viens de terminer son dernier livre, je peux en témoigner. Beaucoup de pages de Sobriété et solidarité, Le bel avenir du message évangélique, en témoignent. Dans son ouvrage, il apporte, en plus d’un contenu biblique très documenté, d’une connaissance de la décroissance affinée, un témoignage de vie d’une haute sincérité. Sans vouloir en faire contre son grès un ardent fidèle du Christ, je ne peux qu’affirmer qu’il pose les bonnes questions sur la vie des membres des Églises. Moyennant quoi, je réitère mon invitation du 12 février à lire son livre, en me demandant, s’il ne serait pas opportun d’organiser à Lyon, en sa présence,  une soirée. J’en laisserai évidemment l’initiative à CPP.

Je vous donne ci-dessous une page à lire, nouvelle invitation à lire l’ensemble des 217 pages.

Pour alimenter le débat à ce propos, et inviter au discernement, je dépose en cette page, l’enregistrement d’une conférence contradictoire sur croissance – décroissance donnée en janvier 2014 à Rennes. Il me semble que nombreuses questions abordées dans les laboratoires de CPP y sont abordées. Faut-il décroître pour sauver la planète ? Forum changer l’économie, édition de 2014. Université de Rennes.

Guillaume Duval est rédacteur en chef d’Alternatives économiques et auteur de Made in Germany. Le modèle allemand au-delà des mythes (éd. Seuil). Jean Aubin a travaillé dans le domaine de l’agriculture, avant de devenir professeur de mathématiques; il a écrit plusieurs ouvrages sur la décroissance, et notamment Croissance : l’impossible nécessaire (éd. Planète bleue).

(Les étalages et le commerce débridé à l’époque de Noël)

Jean AUBIN : J'imagine que de nombreuses personnes ne voient rien de choquant dans cette manière de fêter Noël, y compris parmi les chrétiens. Moi... je ressens… douloureusement ces débordements. J'y vois un insondable aveuglement aux réalités du monde, une grave atteinte au simple sentiment d'humanité. Et je comprends mal quel ressort intérieur conduit à ces outrances. Lorsqu'on est un tant soit peu imprégné d'Évangile, comment ne pas se remémorer la parabole où le Christ met en scène le riche « vêtu de pourpre et de fin lin, qui mène chaque jour joyeuse et brillante vie » pendant qu'à sa porte le pauvre Lazare crève de faim ?

Consommation débridée : c'est un peu facile de dénigrer, tout en continuant de s'y couler. Pourtant, osons faire un pas de plus : réussite sociale, reconnaissance, promotion dans le travail, ce sont là des valeurs reconnues comme éminemment positives par la société. Et par les chrétiens aussi, qui sont gens sérieux et qui souvent font partie de la classe moyenne supérieure, celle des cadres et des professions libérales. Rien de mal a priori à cela. J'y vois pourtant deux problèmes très sérieux. Le premier, c'est que ces valeurs si ordinaires, si normales, si naturelles, si acceptables, si positives, sont aussi celles qui conduisent à la compétition impitoyable dont la société fait son carburant, la société de toujours probablement, mais de manière exacerbée la société libérale. Le second problème pour les chrétiens, c'est que ces valeurs si ordinaires et si acceptables sont en totale contradiction avec le message évangélique. Comment réagir alors ? Faut-il expurger l'Évangile de tout ce qui va à l'encontre des valeurs dominantes ? Mais que restera-t-il alors de cet Évangile au rabais, tronqué de son essentiel, que restera-t-il d'autre qu'une mièvrerie affligeante ? Faut-il choisir de vivre l'Évangile de manière intégrale, à supposer que ce soit possible ? Un tel choix comporte un risque évident de fanatisme…

Gagner en liberté

« Vous êtes le sel de la terre », dit Jésus à ceux qui veulent le suivre, « vous êtes la lumière du monde ». Et si le sel s'affadit ? Oh, le sel chrétien ne disparaît pas, mais la tendance naturelle semble le transformer en sucre, ou en miel. Les chrétiens seraient donc le miel de la terre, comme l'écrivait Bernanos ? Il faudrait alors chercher ailleurs le sel de la terre et la lumière du monde.

Les chrétiens se réclament du Christ mais dans la pratique, n'ont-ils pas troqué Jésus contre Confucius, adoptant un chemin du «juste milieu» ? Prudence, prudence ! Surtout éviter les excès, garder soigneusement les équilibres, se méfier des extrêmes (quoique, désormais, l'extrême droite...). Les chrétiens sont en grande majorité des modérés, des gens posés, raisonnes, réfléchis. Le Christ était pourtant scandale pour les Juifs, folie pour les Grecs, selon Saint Paul. Comment peut-on en faire le maître d'une philosophie de la modération ? L'Écriture avertit pourtant : « Tu n'es ni froid ni brûlant. Mais parce que tu es tiède, et non froid ou brûlant, je vais te vomir de ma bouche. »

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