La Parole de Dieu n’est jamais de tout repos : elle bouscule et invite à une transformation intérieure plus qu’elle ne donne des réponses
De retour du festival organisé par le Secol à Vaugneray, j’ai médité ce matin sur ce qui me semble, pour le monde d’aujourd’hui, le plus important. Je dirais, pour traduire ma pensée : tout faire pour réussir l’indispensable changement de société. Alors, je parle de conversion, de changement radical de modes de vie, de conduite d’une Politique autre.
Nous entendons ces derniers jours, notamment dans le monde de l’écologie et des réseaux des « gilets jaunes », parler de fin des temps, de fin du monde que l’on oppose aux difficiles fins du mois.
Je médite sur le fait que pour réussir une heureuse fin des temps, il importe d’obtenir et de s’organiser maintenant pour obtenir une juste et heureuse fin du mois pour tous. C’est le mot égalité qui importe. Il ne peut y avoir d’heureuse humanité si les fins de mois pour une majorité d’hommes et de femmes demeurent dramatiques pendant qu’une minorité ne sait pas quoi faire de leurs excédents financiers.
Devant les nombreuses personnes où je me suis exprimé, j’ai dit que nous étions tous convaincus des changements indispensables pour qu’un digne accueil des migrants existe et que notre tâche consistait à convaincre les autres, celles et ceux qui ne participent pas à de tels festivals, qui veulent conserver leurs privilèges et habitudes. Il nous faut convaincre les autres de l’importance tout simplement humaine de la solidarité. Dans le slogan des mairies : Liberté, Égalité, Fraternité. Le mot le plus important est Égalité, car il conditionne la possible mise en œuvre des deux autres.
J’ai également dit que l’individualisme est le mal le plus grave. L’économie libérale ne veut pas des personnes. Elle veut des individus, des gens isolés qui, non critiques, sont de vrais consommateurs. L’argent est le fumier du diable, l’alimentation du consumérisme.
Cela nous le savons. Mais, parmi les personnes que nous rencontrons, il y en a trop qui ne croient pas en ce qu’ils savent. Si l’on croyait vraiment en ce que l‘on sait, on ferait tout pour mettre en pratique ces convictions. On ferait tout pour que l’accueil de l’étranger, devoir aussi vieux que le Code d’Hammurabi et les dix commandements de la Bible, réussisse. Il n’en est pas ainsi. Les politiques élus ont d’autres visées. Agissons profondément pour que les élus soient le reflet de la population. Donc, agissons pour que change la population. Formons des citoyens aptes à promouvoir et soutenir une écologie intégrale et solidaire. Créons un mouvement de masse pour que s’instaurent, dans une démocratie représentative, des choix électoraux aptes à soutenir les droits fondamentaux de l’homme. L’humain est digne de respect, égal en droit, quelle que soit la terre de sa naissance. On donne, justement plus à celui qui, par nature, a moins.
Bref tout cela je pense l’avoir exprimé hier, mais, d’une façon différente, ayant dû parler sans lire de texte.
Maintenant, suite à la lecture d’un article du journal La Croix, je reprends différemment le propos, en mettant l’accent sur la force de l’intériorité, de l’intimité de vie avec le Christ. En ce sens, j’ai bien aimé le commentaire de Dominique Pierre sur la peinture de Rogier Van der Weyden. Voici la fin de l’article :
« Le prophète Jean Baptiste est représenté comme un homme de chair et de sang, quelqu’un qui nous ressemble. Il porte un grand manteau rouge sang (qui évoque le destin tragique que lui vaudra son attachement à la vérité) sous lequel on distingue le traditionnel vêtement en poils de chameau et la ceinture de cuir dont parlent les Évangiles (Mt 3, 4). Le peintre ne l’a pas coiffé d’une auréole et pourtant, au premier regard, on sent qu’il est habité.
Le prophète et l’Écriture
La Bible ouverte, qui semble reposer sur le bord du tableau, nous fait comprendre que l’Écriture est son point d’appui. Mais les traits marqués de Jean montrent que cette proximité avec la Parole de Dieu n’est jamais de tout repos : elle bouscule et invite à une transformation intérieure plus qu’elle ne donne des réponses toutes faites aux questions des hommes. Jean est un guetteur dont le regard interrogateur cherche sans cesse à comprendre le dessein toujours surprenant de Dieu : « Es-tu celui qui doit venir, ou devons-nous en attendre un autre ? », enverra-t-il ses disciples demander au Christ (Mt 11, 3). Jean dirige notre regard et notre attention vers le Christ qui se trouve sur la partie centrale du triptyque : « Voici l’agneau de Dieu qui enlève le péché du monde » (Jn 1, 29) indique l’inscription latine. Derrière lui, le paysage rappelle le destin de l’Agneau : un fleuve, partant du baptême du Christ, nous conduit vers un horizon lumineux, mais en passant par une ville fortifiée qui évoque Jérusalem et la Passion. Comme pour Catherine de Brabant autrefois, le geste de Jean Baptiste demeure une invitation à suivre le Christ. »
Dominique Pierre, La Croix, 8-9 décembre 2018