Toute musique est rythmée. Aussi je trouve étrange que l’on puisse s’interroger à propos de l’introduction des musiques rythmées dans la liturgie

Publié le par Michel Durand

Toute musique est rythmée. Aussi je trouve étrange que l’on puisse s’interroger à propos de l’introduction des musiques rythmées dans la liturgie

Toute musique est rythmée. Aussi je trouve étrange que l’on puisse s’interroger à propos de l’introduction des musiques rythmées dans la liturgie.

 

Emile Granger se pose cette question dans son ouvrage : « Chanter Dieu aujourd’hui avec les rythmes de notre temps ». C’était en 1969.

C’est un fait, dans les années 60, le jazz accomplissait son entrée dans l’Église. Et j’ai même été témoin de la présence de chorales africaines en la basilique Saint-Pierre de Rome. Le bruit des percussions subsahariennes ne laissait personne indifférent. Les oreilles habituées aux trompettes pontificales (très Renaissance) du Christus vincit, Christus regnat, Christus imperat sonnant depuis la tribune située au-dessus de la principale porte d’entrée pendant que le pontife arrivait dans la basilique ne pouvaient qu’être secouées par ce changement imprévisible.

Selon mes connaissances, toujours dans les années 60, la guitare acoustique pouvait aisément trouver sa place dans une eucharistie. Il n’en était pas de même pour la guitare électrique. D'après mes souvenirs, les séminaristes américains ouvraient de nouvelles pages liturgiques en présentant à la pontificale université grégorienne des eucharisties au son du jazz : piano, contrebasse, saxo… et même, dans un répertoire encore moins classique, avec la guitare électrique, la batterie, la basse électrique…

En France Guy de Fatto entrait tout naturellement dans ce mouvement selon son génie musical.

Émile Granger s’est emparé de ce « phénomène ». Il développa une étude qui mérite encore d’être étudiée. De Fatto et Granger sont deux prêtres du Prado. Je remercie Robert Divoux (encore du Prado) d’avoir sorti de l’ombre ce type de réflexion. Aujourd’hui, l’usage de rythmes issus du jazz dans la liturgie ne pose plus de problème. Ils sont largement appréciés et même devenus banals. Pour autant, ne reste-t-il pas la question de la qualité des musiques produites ? Il y a aujourd’hui beaucoup de « louanges ». En quoi, et comment, l’incarnation du Verbe divin est-elle communiquée à la foule des jeunes ? Des messes vivantes ; oui. Dans quel concret de l’existence des masses ?

Bref. La réflexion d’Émile Granger mériterait d’être de nouveau étudiée dans les cercles liturgiques qui ne craignent pas d’utiliser les modes américaines pour faire jeunes et plaire à la foule des jeunes.

Je livre ce passage d’Émile :

 

«  On voit immédiatement comment tous ces impératifs de la vie de foi incarnée trouvent leur expression dans le jeu du rythme musical. Celui-ci pourra souligner et comme condenser ce mouvement de la vie qui tour à tour se précipite et s'étale, mouvement de diastole et de systole qui fait le paradoxe de la vie sous le signe du mystère pascal de même qu'il scande l'ensemble de l'aventure humaine. Et il n'est pas vain de noter que le « rythme » tel qu'il se spécifie dans la musique de jazz insiste en particulier sur l'aspect pénible des rythmes humains, puisque c'est dans un affrontement besogneux que l'homme bâtit son histoire qui devient son histoire sainte.

On pourrait sans doute trouver d'autres données pour étayer notre propos : la « musique rythmée » est expressive d'une réalité humaine fondamentale, celle d'un être au monde qui par tout son être va s'exprimer et édifier sa liberté, qui est ce monde se retournant sur soi pour s'humaniser. Et c'est cette authenticité humaine qui la rend apte à signifier et à concrétiser le message du salut dans quelques-uns de ses aspects essentiels : la liberté de Dieu confiée à l'histoire des êtres de chair et de sang que nous sommes. En schématisant on peut dire que si l'environnement historique de la musique issue du jazz nous parle surtout du mystère pascal, sa texture intime souligne le mystère de l'incarnation ; Dieu pour se communiquer en vérité s'est fait homme et l'homme, sans cesser d'être au monde devient Dieu. Dans la mesure même où la musique rythmée, dans son style propre, nous dit cela, il n'est pas indifférent de lui faire sa place en liturgie, elle sera l'une des voies qui, pour les hommes d'aujourd'hui, assure l'accès au mystère de l'incarnation rédemptrice. Et certes tout cela ne se révèle qu'à l'analyse subséquente. Ce n'est pas de chanter quelques pièces nouvelles qui fera prendre conscience de toutes ces données. Mais peut-être le travail est-il plus profond, la prière et la liturgie n'ont pas pour but premier de disserter sur la doctrine, elles ont pour but de nous faire communier corps et âme à la présence du Christ, Verbe fait chair, pour notre salut. Cela se vit sans toujours se traduire en concepts. Le chant peut être une des façons d'entrer dans cette vie et de progresser ainsi dans la connaissance de Dieu, qui est conformité existentielle, vécue en communauté ecclésiale, au Christ vivant humainement l'amour éternel du Père dans l’Esprit. »

Dans ce blogue, j’ai eu l’occasion de parler de la musique Metal. Il est juste d’unir toutes ces expressions qui disent fortement ce que vivent foule de gens hors des Églises. Voir ici    et aussi ici    ou encore  là  ...

J’imagine qu’une suite sera donnée à cette page.

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