Jésus, abandonnant la conversation avec des pharisiens, s’adresse à une foule qui se montre apte à comprendre, en lui, la nouveauté de Dieu
En cette page, je prolonge mon étude d’Évangile concertant l’attitude de Jésus qui annonce le Royaume tout en accomplissant le bien autour de lui. Il enseigne et guérit les malades.
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Et celle du 14 avril ou celle du 7 avril
Les rituels et traditions sont relativisés
Jésus est alors dans la région de Gennésareth. Des gens de la ville, de la capitale Jérusalem l’abordent. Ce sont des intellectuels, des personnages bien placés dans le Temple et la vie politique du pays. Ils ne font pas confiance en Jésus. Cela étonne, car la foule, elle, accepte pleinement ce que Jésus fait et dit. Elle est pleine d’enthousiasme à son égard et voit en lui l’envoyé de Dieu. Le succès de Jésus auprès des gens ordinaires inquiète donc les pharisiens et les scribes. À juste titre du reste, car ce prétendu maître met en cause les coutumes légales du judaïsme et les pratiques rituelles propres à la Loi de Moïse. Il néglige la Tradition !
En conscience, cette délégation ne peut le laisser agir ainsi et se rassemble, sans mandat particulier, semble-t-il, auprès de lui.
7,1-5
« Les Pharisiens et quelques scribes venus de Jérusalem se rassemblent auprès de Jésus. Ils voient que certains de ses disciples prennent leurs repas avec des mains impures, c'est-à-dire sans les avoir (rituellement) lavées. En effet, les Pharisiens, comme tous les Juifs, ne mangent pas sans s'être lavé soigneusement (jusqu’au coude, avec le poing) les mains, par attachement à la tradition des anciens ; en revenant du marché, ils ne mangent pas sans avoir fait des ablutions; et il y a beaucoup d'autres pratiques traditionnelles auxquelles ils sont attachés : lavages rituels des coupes, des cruches et des plats. Les Pharisiens et les scribes demandent donc à Jésus : “Pourquoi tes disciples ne se conduisent-ils pas conformément à la tradition des anciens, mais prennent-ils leur repas avec des mains impures” ? »
Pourquoi cette liberté par rapport à la tradition des anciens ?
Jésus répond en indiquant que la volonté de Dieu n’est pas de se limiter à un seul peuple qui a des habitudes liées à son histoire, le peuple élu. Si ce peuple fut choisi par Dieu, c’est pour mettre en place la reconnaissance du Dieu unique par toute l’humanité sans enfermer avec des pratiques qui ne sont que des moyens humains, utiles, mais non absolus. Ainsi, Christoph Théobald indique que seulement deux marqueurs signalent l’adhésion à la Nouvelle révélation christique : le baptême et le « repas du Seigneur » (l’eucharistie). « La circoncision ainsi que la loi de pureté furent d’abord relativisées avant d’être abandonnées par des “christiens” qui ont instauré un nouveau type de relation entre les humains, fondé sur la mixité sociale - “il n’y a plus ni Juif ni Grec, ni esclave ni homme libre, ni l’homme et la femme” (Ga 3,28), le baptême et le “repas du Seigneur” se trouvant alors à la base d’une nouvelle ritualité messianique » (Et le peuple eut soif, p. 41).
La TOB donne cette note : « La nouvelle compréhension, au-delà des traditions juives, de la volonté divine (vv. 6-10) et de la pureté (vv. 14-23) rend possible l’unité des Juifs et des païens dans l’Église ».
Voici la réponse de Jésus. Elle vise à sortir d’une impasse.
7,6-15
« Il leur dit : “Ésaïe a bien prophétisé à votre sujet, hypocrites, car il est écrit : ce peuple m'honore des lèvres, mais son cœur est loin de moi ; c'est en vain qu'ils me rendent un culte, car les doctrines qu'ils enseignent ne sont que préceptes d’hommes.
Vous laissez de côté le commandement de Dieu et vous vous attachez à la tradition des hommes”. Il leur disait : “Vous repoussez bel et bien le commandement de Dieu pour garder votre tradition. Car Moïse a dit : "Honore ton père et ta mère" et encore : "Celui qui insulte père ou mère, qu'il soit puni de mort ». Mais vous, vous dites : "Si quelqu'un dit à son père ou à sa mère: le secours que tu devais recevoir de moi est qorban, c'est-à-dire “offrande sacrée” (faite à Dieu) vous lui permettez de ne plus rien faire pour son père ou pour sa mère : vous annulez ainsi la parole de Dieu par la tradition que vous transmettez. Et vous faites beaucoup de choses du même genre”. (Note de la TOB : Les pharisiens et les scribes sont les chainons d’une tradition qu’ils ont reçue et qu’ils transmettent à leur tour).
Puis appelant de nouveau la foule, il leur disait : “Écoutez-moi tous et comprenez. Il n'y a rien d'extérieur à l'homme qui puisse le rendre impur en pénétrant en lui, mais ce qui sort de l'homme, voilà ce qui rend l'homme impur” ».
En final, nous observons que Jésus abandonne la conversation avec les pharisiens et préfère s’adresser à la foule. C’est comme si cette dernière avait toute capacité pour comprendre l’immense nouveauté apportée par l’Envoyé de Dieu, Jésus. Est-ce vraiment ainsi ? La suite du récit permet d’en douter. En effet, nous voyons que Jésus, ayant quitté la foule - il est entré à la maison - se trouve en présence de disciples qui avouent ne pas avoir tout compris. S’ouvre alors un enseignement particulier avec le cercle des apôtres.
7, 17-23
« Lorsqu'il fut entré dans la maison, loin de la foule, ses disciples l'interrogeaient sur cette parole énigmatique. Il leur dit: “Vous aussi, êtes-vous donc sans intelligence ? Ne savez-vous pas que rien de ce qui pénètre de l'extérieur dans l'homme ne peut le rendre impur, puisque cela ne pénètre pas dans son cœur, mais dans son ventre, puis s'en va dans la fosse” ? Il déclarait ainsi que tous les aliments sont purs. Il disait : “Ce qui sort de l'homme, c'est cela qui rend l'homme impur. En effet c'est de l'intérieur, c'est du cœur des hommes que sortent les intentions mauvaises, inconduites, vols, meurtres, adultères, cupidités, perversités, ruse, débauche, envie, injures, vanité, déraison. Tout ce mal sort de l'intérieur et rend l'homme impur” ».
Marc estime que Jésus s’exprime de façon obscure, « énigmatique » parce que, de fait, tout ne peut être dit clairement. Sa parole est trop nouvelle pour être aisément entendue. Des manuscrits indiquent au verset 16 : « Si quelqu’un a des oreilles pour entendre, qu’il entende ! ». Alors, prudence. Parler à mots couverts est préférable, car cela ne provoque pas le scandale, sauf chez les pharisiens qui se montrent à l’affut de tous travers. Si la foule n’est pas apte à tout entendre, les disciples méritent une explication particulière et ils ne se privent pas de solliciter une explication. (Voir 4,6-12, page 5 et 6). Oui, les apôtres appelés à une mission spécifique doivent comprendre tout ce que Jésus dit afin d’accomplir l’œuvre à laquelle ils seront envoyés. « À vous, le mystère du Règne de Dieu est donné » (4, 11). L’abrogation des interdits alimentaires s’explique par la venue du Règne de Dieu et sa victoire absolue sur le Mal. Désormais, ces lois, coutumes et rites tout humains ne sont plus nécessaires. Ce ne sont pas les aliments qui posent problème, mais les mauvaises pensées qui peuvent sortir de l’homme ; qui sortent de l’humain.
Avec cette réflexion, Marc souligne que « l’abrogation des interdits alimentaires enlèvera tout obstacle à la communauté de table entre chrétiens d’origine juive et chrétiens d’origine païenne. Même les païens sont admis à la table du Christ. On le voit ici :
7,27-28.
« Jésus lui disait : “Laisse d'abord les enfants se rassasier, car ce n'est pas bien de prendre le pain des enfants pour le jeter aux petits chiens”. Elle lui répondit : “C’est vrai, Seigneur, mais les petits chiens, sous la table, mangent des miettes des enfants”. »