Pour sortir l’humanitaire de l’action qui ne fait que pallier aux carences des États : soutenir ceux qui prennent des risques devant les lois
De l’acte humanitaire, caritatif qui consiste à faire sa bonne action auprès des pauvres, à l’engagement politique pour que, justement, il ne soit plus nécessaire de venir en aide aux pauvres.
Je résume avec cette phrase les réflexions qui me sont venues suite de la lecture d’une lettre envoyée à la Coordination Urgence Migrants (CUM) par l’Association Catholique pour l’Accueil et l’Accompagnement des Migrants (Aclaam).
En final de cette missive, nous lisons : « je ne cacherai pas qu’à notre dernier CA du 7 décembre dernier, plusieurs administrateurs ont vivement souhaité que l’ACLAAM se retire du CA de la CUM estimant que les risques étaient très importants. » Il y a plusieurs années, les responsables du Secours Catholique de Lyon ont eu la même attitude. Des choix politiques pris par la CUM indisposaient : « on reste membre de la CUM, mais on se retire du CA.
Pour être clair, il convient de redire les fondements de la CUM.
Nombreuses personnes œuvrent sur le terrain au sien de diverses associations dont la vocation est de venir en aide aux migrants. Dans l’urgence, des problèmes sont résolus ; or, il ne faudrait pas que ces situations perdurent, existent. Les actions humanitaires ne peuvent sans cesse pallier aux manques de l’État. Les problèmes de non-accueil, ou d’accueil défaillant doivent être regardés dans leur racine. C’est dans cette perspective politique que le Coordination Urgence
Migrants trouve la force de son existence. Et l’on peut dire, notamment avec la présence de la CUM dans la mise en place de squats, que la coordination accomplit toute sa mission. Coordonner ce qui se vit sur le terrain pour avoir plus de poids devant les politiques.
Les derniers événements montrent qu’il est est ainsi. Les spécialistes du droit s’expriment en disant : « on fait bouger les lignes ». « Être convoqués au tribunal fait parti de notre engagement associatif ». Mais je reconnais que recevoir une convocation, ce n’est pas évident, même si, jusqu’à ce jour je n’ai personnellement jamais été inquiété.
N’empêche que je me pose la question : dans quelle mesure, les membres de la CUM, actifs sur le terrain dans l’acte humanitaire vont-ils soutenir l’engagement des coprésidents de la CUM qui agissent, malgré tout, au service de l’accueil des migrants ? Comment, dans le tribunal, se situer en soutien du président responsable devant la loi. Et, tous vont-ils, massivement, soutenir. Il ne suffit de faire une B.A. caritative ; il importe de rester présent au niveau des problèmes vus dans leur racine.
Ces questions je me les suis posés quand, à la suite de cercle de silence de Toulouse, en 2007/2008, je fus invité par des membres de RESF à constituer à Lyon la manifestation mensuelle. « Le cercle de silence a pour objectifs d’avertir que la dignité de chaque personne ne se discute pas, elle se respecte ; et qu’avec ou sans papiers, l’étranger est une personne. » Nous en appelons, par le silence, à la conscience des citoyens et des élus. Et, lorsque nous revenons et aidons un migrant, nous savons que nous sommes dans l’illégalité. On parlait à l’époque, si je me souviens bien, d’amende et de peine de prison. Est venue ensuite l’expression : délit de solidarité.
Je reviens à la naissance des cercles de silence à Lyon alors que dans la maison paroissiale des pentes de la Croix-Rousse, des migrants étaient hébergés. Il se trouve que je n’arrive pas à oublier que des cadres de l’Église catholique m’ont rendu visite pour me signifier que ce que je faisais était hors la loi. J’étais un danger pour l’Église et je manquais d’intelligence n’en prenant pas conscience. Les deux services de l’Église catholique de Lyon, pastorale des migrants et accueil des pauvres, à cette époque n’ont pas voulu signer le tract des cercles de silence, l’appel à manifester une fois par mois pendant une heure, le devoir d’accueillir tous migrants par détresse.
Peu de temps après le lancement des cercles sur Lyon, avant que la CUM n’existe, avec Jacques Walter, pasteur de l’Église réformée, une tentative de prise de parole des Églises eut lieu dans une conférence de presse. Cela ne fut pas vraiment soutenu par les responsables catholiques et ne connut aucun retentissement notable.
Plus tard, alors que la CUM, composée d’une vingtaine d’associations diverses dans leurs opinions philosophiques et religieuses, avec Bruno-Marie Duffé (prêtre) se trouvait dans les locaux de l’Église catholique, il fut signifié qu’il n’était pas possible que le siège social de cette association loin 1901 soit en ce lieu. La LDH (ligue des droits de l’homme) devient alors le lieu du siège social.
L’ACLAAM y trouva sa place en 2015.
J’accepte que l’on me dise qu’il est inutile de rappeler cette histoire. Si je le fais, c’est parce que j’estime qu’elle peut expliquer le comportement de chrétiens catholiques lyonnais voulant bien une action caritative, mais sans l’engagement politique conséquent, sans prendre de risque. Or, pour ne pas laisser des gens dormir dehors comment agir sans audace quelque peu risquée ?