Une loi nécessite la fidélité. Le commandement d’aimer son prochain comme soi-même s’entoure de mesures qui garantissent la durée de l’amour

Publié le par Michel Durand

L'entrée du Christ à Jérusalem Giotto , 1303-1306. Fresque, 200 x 185 cm, église de l'Arena à Padoue

L'entrée du Christ à Jérusalem Giotto , 1303-1306. Fresque, 200 x 185 cm, église de l'Arena à Padoue

 

Il m’est impossible de vivre cette liturgie sans penser à tous les drames qui se vivent maintenant partout dans le monde.

 

Deutéronome 6, 2 – 6 : Ces commandements que je te donne aujourd'hui
resteront dans ton coeur

PSAUME 118 (119), 97… 106 : Ta parole est la lumière de mes pas,
la lampe de ma route

Lettre aux Hébreux 7, 23 - 28 : Il est désormais plus haut que les cieux

Marc 12, 28b-34 : Tu n'es pas loin du Royaume de Dieu

 

 

Dans la ligne de l’Évangile selon Marc

« Tu aimeras le Seigneur ton Dieu de tout ton cœur, de toute ton âme, de tout ton esprit et de toute ta force.

Tu aimeras ton prochain comme toi-même. Il n’y a pas de commandement plus grand que ceux-là. »

demandons-nous quel mode de vie est le nôtre en ce monde, quel art de vivre nous donne de partager l’éternité du Père ? Le bonheur.

« Tu n’es pas loin du royaume de Dieu. »

Comment vivons-nous ?

Nous savons déjà, après avoir entendu (le 20 octobre) Jésus remettre en place Jacques et Jean qui voulaient « siéger dans sa gloire l’un à droite, l’autre à gauche », que celui qui souhaite être le premier devra être le serviteur de tous (cf Mc 10, 35-45).

Pour être avec Dieu, le Créateur : être serviteur.

Ne devons-nous pas nous demander : Comment devenir serviteur ?

Je pense qu’il convient d’écarter promptement l’idée de servilité. L’abaissement de l’esclave n’est pas ce que souhaite pour nous Jésus Christ. Surtout, l’attitude servile peut dépendre d’une volonté de puissance. Est servile celui qui veut dominer en toute chose. Selon Tacite (historien romain - fin du 1er siècle), la servilité se manifeste par une obéissance aveugle à l'autorité, souvent en vue de maintenir ou d'étendre son pouvoir. Agir ainsi n’est pas dans la franchise, la clarté des rapports. Je pense que le mot « veule » explique sans ambiguïté la servitude indésirable : être sans force morale, apathique, mou, faible. C’est ce qui fait dire à Nietzsche que le christianisme est, avec l’alcool, un des deux grands narcotiques européens. Il endort le peuple. Notons, par mode de parenthèse, que Nietzsche admire Pascal comme « le seul chrétien logique », reconnaissant en lui un chrétien authentique qui dépasse les contradictions de son temps. Nietzsche voit en Pascal un allié dans la critique du christianisme institutionnel, notamment à travers le livre des « Provinciales ».

Je pense encore à l’expression : « être une bonne poire ».

C’est être trop bon, trop naïf et se laisser mener par le bout du nez. Depuis la fin du XIXe siècle, on désigne par le mot poire, celui qui se laisse aisément duper : métaphore de la poire bien mûre qui tombe toute seule de l'arbre, comme la personne trompée tombe facilement dans l'attrape-nigaud qui lui est tendu.

Rien de tout cela dans le service qui nous est demandé par Jésus.

Un scribe s'avança vers Jésus pour lui demander : « Quel est le premier de tous les commandements ? »

Réponse :

Tu aimeras le Seigneur ton Dieu de tout cœur… Tu aimeras ton prochain comme toi-même.

Le service rendu à autrui n’est rien d’autre que de l’amour. Notons qu’il ne s’agit pas d’aimer en suivant des élans du cœur qui ne peuvent être que passager. L’amour dont on parle ici n’est pas le sentiment d’un moment, un ressenti ; même, convenons-en, si ce ressenti est bien nécessaire, au moins dans un premier temps. Non, l’amour n’est pas seulement un élan passager, une passion qui risque de s’évanouir avec le temps. Il est une loi.

Jésus répond à la question du scribe sur le premier commandement. Une loi nécessite la fidélité. Le commandement d’aimer son prochain comme soi-même s’entoure de mesures qui vont garantir la durée de l’amour. L’attitude servile se contentera d’une B.A. (bonne action) pour faire plaisir à autrui, voire se donner la possibilité de le soumettre par la suite. En effet, celui qui a reçu se sentira redevable et aura tendance à se soumettre au donateur. L’amour de Dieu et du prochain est un état de vie, une permanence, un devoir constant.

aimer son prochain comme soi-même, vaut mieux que toutes les offrandes et tous les sacrifices.

Le scribe est intelligent. Il a bien compris les paroles de Jésus. Mais, était-ce vraiment ce qu’il voulait entendre ? Il semble que non car il se range du côté de ceux qui « n’osent plus l’interroger ».

Dans le contexte individualiste qui façonne désormais la société, dans le repli des uns et des autres dans la sphère du privée, dans le refus qu’autrui puisse s’inquiéter des difficultés susceptibles d’écraser un voisin, ne voyons-nous pas les traces de palabres sans fin pour savoir ce qui est important, juste et vrai ? On cause seulement, alors qu’on devrait agir. On établit des lois afin de tout encadrer dans la société alors qu’il faudrait sortir de son égo pour entrer en dialogue avec son proche prochain. Les lois, offrandes et sacrifices qui mettent en règle avec une pratique sociale et religieuse risquent effectivement de détourner du devoir principal ; l’amour lui-même.

Aimer dans la fidélité, avec l’épreuve du temps, voilà le mode de vie en ce monde qui  nous donnera le bonheur de partager l’éternité du Père.

« Tu n'es pas loin du Royaume de Dieu. »

À toi de faire le pas, pour entrer dans le Royaume. Tu ne seras ni à droite, ni à gauche du maître. Tu seras serviteur.

 

Duccio di Buoninsegna. Maestà. Jésus et la Samaritaine. 1308-11. Thyssen-Bornemisza Collection, Madrid.

Duccio di Buoninsegna. Maestà. Jésus et la Samaritaine. 1308-11. Thyssen-Bornemisza Collection, Madrid.

Pour être informé des derniers articles, inscrivez vous :
Commenter cet article