Etre, par sa formation, armé pour le travail comme pour le non travail
Comme je l'ai indiqué précédemment, dans cette catégorie "anthropologie", je donne diverses réflexions sur le sens, ou non sens, du travail.
Textes qui me semblent d'une grande importance alors qu'on veut augmenter la durée du travail salarié tout en critiquant "mai 68".
Cette semaine, je vous propose la réflexion de Paul Moreau. Paul Moreau, philosophe, se présente lui-même au début de son intervention. Celle-ci fut donnée au cours du Colloque "travail et temps libre" organisé par L'Association Confluences.
3. L’insertion sociale
Cette semaine, je vous propose la réflexion de Paul Moreau. Paul Moreau, philosophe, se présente lui-même au début de son intervention. Celle-ci fut donnée au cours du Colloque "travail et temps libre" organisé par L'Association Confluences.
Intervention de Mr. Paul Moreau
3. L’insertion sociale
Le travail, disais-je tout à l’heure, est un facteur d’intégration sociale. Là il faut être très réaliste - et nous
le sommes tous je pense - les explorations que nous avons à mener doivent prendre en compte une situation de fait qui est encore réelle.
C’est par le travail, l’emploi bien sûr, que l’on se trouve inséré dans une société. Il est ce par quoi encore on vit essentiellement comme un être social. Pour l’enfant, pour l’adolescent, la vraie vie commence souvent avec l’entrée dans le monde du travail. L’adolescent, le jeune adulte peuvent avoir pour sentiment que tandis qu’ils ne travaillent pas professionnellement, ils ne sont pas grand-chose. A l’autre bout, le retraité souvent se sent isolé lorsqu’il a perdu l’enracinement auquel il était habitué par son travail. Quant au chômeur, comme je le disais, il est très souvent un exclu. Bernard Delplanque, dans un article de la revue Etudes il y a 7-8 ans, que “le chômeur est doublement pénalisé”. Non seulement il perd les moyens de vivre, disons des moyens substantiels de vivre parce qu’il reçoit toujours quelques subsides, mais plus gravement il perd son existence sociale et peut-être sa citoyenneté. Bien sûr, on dira qu’on ne cesse pas de pouvoir voter quand on est chômeur. N’empêche que le chômeur peut se sentir privé de citoyenneté. Donc c’est bien le signe qu’aujourd’hui le travail, directement ou indirectement, confère un véritable statut. Mais alors si, comme le disait Michel Durand, le travail devient rare, si le chômage s’installe comme réalité structurelle lourde durable, ma démarche est hypothético-déductive, il nous faut apprendre à vivre sans le travail. Et je dis quelquefois comme boutade à mes étudiants que ce qui est de ma mission aussi c ‘est de leur apprendre à vivre comme chômeurs. Voyez qu’il y a là un aspect paradoxal. On dira : comment des professeurs d’Université s’accommodent-ils du chômage ? Il faut au contraire qu’ils puissent concentrer tout leur enseignement de telle sorte qu’ils donnent à leurs étudiants les moyens de travailler. Mais si le chômage est une réalité qui échappe à toute bonne volonté - y compris celle de l’Education Nationale - il faut que l’Education Nationale puisse armer ceux qu’elle éduque par rapport à une capacité de pouvoir vivre sans travail. J’y reviendrai tout à l’heure en parlant un peu de l’école.
C’est par le travail, l’emploi bien sûr, que l’on se trouve inséré dans une société. Il est ce par quoi encore on vit essentiellement comme un être social. Pour l’enfant, pour l’adolescent, la vraie vie commence souvent avec l’entrée dans le monde du travail. L’adolescent, le jeune adulte peuvent avoir pour sentiment que tandis qu’ils ne travaillent pas professionnellement, ils ne sont pas grand-chose. A l’autre bout, le retraité souvent se sent isolé lorsqu’il a perdu l’enracinement auquel il était habitué par son travail. Quant au chômeur, comme je le disais, il est très souvent un exclu. Bernard Delplanque, dans un article de la revue Etudes il y a 7-8 ans, que “le chômeur est doublement pénalisé”. Non seulement il perd les moyens de vivre, disons des moyens substantiels de vivre parce qu’il reçoit toujours quelques subsides, mais plus gravement il perd son existence sociale et peut-être sa citoyenneté. Bien sûr, on dira qu’on ne cesse pas de pouvoir voter quand on est chômeur. N’empêche que le chômeur peut se sentir privé de citoyenneté. Donc c’est bien le signe qu’aujourd’hui le travail, directement ou indirectement, confère un véritable statut. Mais alors si, comme le disait Michel Durand, le travail devient rare, si le chômage s’installe comme réalité structurelle lourde durable, ma démarche est hypothético-déductive, il nous faut apprendre à vivre sans le travail. Et je dis quelquefois comme boutade à mes étudiants que ce qui est de ma mission aussi c ‘est de leur apprendre à vivre comme chômeurs. Voyez qu’il y a là un aspect paradoxal. On dira : comment des professeurs d’Université s’accommodent-ils du chômage ? Il faut au contraire qu’ils puissent concentrer tout leur enseignement de telle sorte qu’ils donnent à leurs étudiants les moyens de travailler. Mais si le chômage est une réalité qui échappe à toute bonne volonté - y compris celle de l’Education Nationale - il faut que l’Education Nationale puisse armer ceux qu’elle éduque par rapport à une capacité de pouvoir vivre sans travail. J’y reviendrai tout à l’heure en parlant un peu de l’école.