Isaïe et Jésus 5

Publié le par Michel Durand

Siloé et L'Euphrate ; la piscine de Siloé

Guerisonaveugl.jpg
codex Egberti, guérison de l'aveugle né.


Je continue ma lecture parallèle d’Isaïe et de Jésus avec un passage du chapitre 8 intitulé dans la Bible de Jérusalem Siloé et l’Euphrate. Les notes de la Tob, de la BJ sont la source de l’article.
Isaïe a déjà parlé des eaux de Siloé en 7, 3.
Le Seigneur dit alors à Ésaïe : « Prends avec toi ton fils Chéar-Yachoub (ce nom symbolique signifie un reste reviendra (ou se convertira)) et va voir Achaz ; il est à l'extrémité du canal du réservoir supérieur, sur le chemin qui mène au champ des Blanchisseurs ».

Le livre des Rois (2 R 18,17) parle de ce chemin :

« Cependant, le roi d'Assyrie, qui se trouvait à Lakich, envoya au roi Ézékias, à Jérusalem, le général en chef, le chef d'état-major, ainsi que son propre aide de camp, à la tête d'une troupe importante. Dès qu'ils arrivèrent devant la ville, ils se placèrent près du canal du réservoir supérieur, sur la route qui mène au champ des Blanchisseurs, »

Ce réservoir supérieur, non identifié avec certitude, pourrait désigner la piscine de Siloé (voir Jean 9.7), située à l'angle sud-est de la ville. Un canal y amenait l'eau de la source de Guihon. Le champ des Blanchisseurs n'est pas identifié non plus ; il pouvait se trouver dans la vallée du Cédron, à proximité peut-être de la « source des Blanchisseurs ». La route, près du canal, désigne vraisemblablement un endroit bien connu des contemporains, à l'extérieur des murailles de la ville.

Lire aussi 1 R 1,9 ; 2 S 17,17 :
« Un jour, Adonia organisa une grande fête à la «Pierre-qui-Glisse» près de la source des Blanchisseurs ; on y sacrifia des moutons, des taureaux et des bêtes grasses. Il y avait invité les fils du roi David, ses frères, et tous les hommes importants de la région de Juda qui étaient au service du roi »,
« Yonatan, fils d'Abiatar, et Ahimaas, fils de Sadoc, étaient postés près de la source des Blanchisseurs ; une servante était chargée de leur porter les messages qu'eux-mêmes devaient transmettre au roi David. En effet, il ne fallait pas qu'ils entrent dans la ville, de peur d'être vus ».

La source des Blanchisseurs était située dans la vallée du Cédron, au sud-est de Jérusalem. L'endroit s'appelle aujourd'hui le « Puits de Job ».
Voici le passage Isaïe (ou Esaïe) 8,5-10 :
« Le Seigneur me dit encore : « Ce peuple dédaigne (refuse) 
les eaux du canal de Siloé,
 qui coulent tout doucement ;
 et il perd courage 
face aux deux rois Ressin et Péca. C'est pourquoi je vais faire monter jusqu'à lui 
les flots abondants et violents de l'Euphrate
 —le roi d'Assyrie et le poids de sa puissance—. 
L'Euphrate sortira de son lit,
 submergera ses rives, se répandra en inondation,
 débordera sur Juda
 et lui montera jusqu'au cou.
 Il étendra au loin ses rives
 sur toute la largeur 
de ton pays, Emmanuel. »
Peuples (tremblez), vous avez beau faire alliance, 
c'est la terreur qui vous attend.
 Soyez attentifs, vous les pays lointains :
 Vous pouvez bien vous armer, 
la terreur vous attend.
 Oui, vous pouvez bien vous armer,
 la terreur vous attend. Faites donc des projets,
 ils tomberont en miettes.
 Palabrez tant que vous voudrez,
 vos plans ne verront pas le jour,
 car il y a Emmanuel, «Dieu avec nous».
Le royaume de Judas sera ravagé par les armées assyriennes.
Nous sommes en 701 av J.C.. Utilisant cette métaphore (même sens qu’en Is 7,20), l’auteur annonce une intervention militaire assyrienne qui dévastera le pays et sera suivi d’une déportation. Les captifs déportés étaient entièrement rasés et avoir la barbe rasée était particulièrement déshonorant. Il peut s’agir de la campagne assyrienne de 734-732 qui fut suivie d’une déportation concernant Damas et les provinces septentrionales de la Palestine ou de celle de 722-721 (déportation de Samarie) ou de celle de 701 (déportation des habitants des places fortes provinciales de Juda).
Ce peuple qui refuse les eaux de Siloé, c’est évidemment celui de Judas qui ne croit pas plus que son roi, même s’il s’oppose à sa politique et en préfère une autre, qui ne croit pas aux promesses du Seigneur concernant le salut de la vielle sainte.

Le canal
Siloè signifie émissaire, conduite, canal. La racine de ce mot signifie : envoyer.
Il ne s’agit pas ici du tunnel percé seulement sous Ezékias (716-687), mais probablement du canal découvert par Meisterman en 1902 (large d’environ 50cm, à ciel ouvert, mais pénétrant parfois dans le rocher et aussi parfois recouvert de dalles), débouchant dans l’ancienne piscine de Siloé, l’actuelle Birk el-Hamra et datant sans doute d’Akhaz (736-716). Isaïe ferait allusion au canal détourné par Akhaz, et à la partie de ce canal situé en amont de la déviation et dont les eaux paisibles, au débit régulier, avaient d’abord pour but d’arroser la vallée et en particulier les jardins du roi. Il s’agit sûrement d’un déversoir de la source du Guihôn, unique source de Jérusalem et symbole de la protection qu’exerce le Seigneur sur la cité où il a placé sa résidence et dont il assure la vie quotidienne : Is 12,3 : « vous puiserez de l’eau avec joie au source du salut ».

Jean 4, 11-14 : épisode de la rencontre de Jésus avec la Samaritaine :
« La femme répliqua : « Maître, tu n'as pas de seau et le puits est profond. Comment pourrais-tu avoir cette eau vive ? Notre ancêtre Jacob nous a donné ce puits ; il a bu lui-même de son eau, ses fils et ses troupeaux en ont bu aussi. Penses-tu être plus grand que Jacob ? » Jésus lui répondit : « Quiconque boit de cette eau aura de nouveau soif ; mais celui qui boira de l'eau que je lui donnerai n'aura plus jamais soif : l'eau que je lui donnerai deviendra en lui une source d'où jaillira la vie éternelle. »

Le peuple perd courage, il ne veut pas, il rejette, il préfère…
Il s’agit de ceux qui préfèrent les chefs de la coalition à la dynastie davidique. Pas plus que le roi dont ils ne veulent plus, ils n’ont confiance en leur Seigneur. Ils sont donc responsables de ce qui va arriver et qui profitera au roi d’Assyrie. Comme l’Euphrate, ce fleuve qui déborde chaque année au printemps, temps des campagnes militaires, l’armée envahira le pays, ce qui réjouit les Judéens partisans des Assyriens : submersion du pays par un « protecteur » dont les exigences ne connaîtront pas de limite jusqu’en 701. Les conséquences pour Juda de l’expansion assyrienne ne sont pas le fait de la fatalité ou de la volonté de quelques dieux assyriens, mais de la volonté du Seigneur punissant son peuple incrédule. L’Assyrie n’est qu’un instrument entre les mains de Dieu et son triomphe n’aura qu’un temps, car elle ne peut imposer sa domination au Saint d’Israël.
Le peuple et son roi n’ont pas écouté et sont écrasés. Mais la promesse qu’ils ont rejetée n’est pas pour autant annulée. C’est grâce à Emmanuel que le Fleuve ne fera que passer en Juda et ne l’atteindra que jusqu’au cou, sans pouvoir l’anéantir. Le châtiment sera sévère, mais Judas ne périra pas sous le flot assyrien. Un petit nombre des fidèles au Seigneur existe. Il permettra le triomphe final de Juda.

Il est largement temps de rejoindre l’Évangile de Jean : guérison d'unb aveugle né.
Jn 9,1-6


« En chemin, Jésus vit un homme qui était aveugle depuis sa naissance. Ses disciples lui demandèrent : « Maître, pourquoi cet homme est-il né aveugle : à cause de son propre péché ou à cause du péché de ses parents ? » Jésus répondit : « Ce n'est ni à cause de son péché, ni à cause du péché de ses parents. Il est aveugle pour que l'oeuvre de Dieu puisse se manifester en lui. Pendant qu'il fait jour, nous devons accomplir les oeuvres de celui qui m'a envoyé. La nuit s'approche, où personne ne peut travailler. Pendant que je suis dans le monde, je suis la lumière du monde. » Après avoir dit ces mots, Jésus cracha par terre et fit un peu de boue avec sa salive ; il frotta les yeux de l'aveugle avec cette boue et lui dit : « Va te laver la figure à la piscine de Siloé. » — Ce nom signifie « Envoyé ». — L'aveugle y alla, se lava la figure et, quand il revint, il voyait ! ».

À la piscine de Siloè, au temps de Jésus, on y puisait de l’eau, symbole de bénédictions messianiques, durant la fête des Tentes. Les bénédictions viennent désormais par Jésus l’Envoyé.
Je pense que la lecture de Jn 9 ne nécessite désormais aucun commentaire. Tout fut dit dans le contexte historique que j’ai préalablement rappelé. L’homme qui était aveugle depuis sa naissance conduit la réflexion sur tout le peuple de Juda (hormis le petit reste) qui s’est trompé d’alliance en s’éloignant de l’unique Seigneur.

 

Publié dans Bible

Pour être informé des derniers articles, inscrivez vous :
Commenter cet article