L'art est cri, combat, il n'est pas que art sacré, lénifiant

Publié le par Michel Durand


Je tente aujourd'hui de répondre à la question : « qui aura plaisir à lire ce livre cosigné par Robert Pousseur, Jean de Montalembert et Jacques Teissier ? » Je vous en ai déjà parlé le 9 octobre de cette année.

Qui lira ce livre avec profit ?

Certainement pas celui ou celle qui sont assurés de leur vérité. Les cultures contemporaines étant mortifères, l'Église n'a rien à attendre d'elle, pensent certains. Les chrétiens qui souhaitent instaurer, restaurer, une culture chrétienne, ne peuvent pas me semble-t-il, apprécier cette tentative de dialogue avec les cultures contemporaines ambiantes et leurs productions culturelles. « Ils sont convaincus qu'on a volé l'âme religieuse de la culture occidentale en la laïcisant, qu'elle s'en est trouvée pervertie, et que pour la sauver, il faut renouer avec ses sources religieuses ».

Les auteurs du livre parlent de la culture en général. Cela est quelque peu gênant, car, tout est culture, depuis la façon de s'habiller, de se lever, se laver ou dormir et manger. N'empêche que les productions culturelles émanant de ces diverses cultures disent avec précisions ce qui dépend de l'air du temps. Personnellement, je pense qu'il est très judicieux de parler davantage des créations artistiques, notamment en art plastique, parce que nous sommes alors sur un terrain bien délimité. J'aurais aimé avoir dans ce livre plus d'exemples contemporains montrant la possibilité d'un dialogue où chrétiens et non chrétiens s'enrichissent mutuellement dans l'édification d'une humanité meilleure, plus fraternelle, plus respectueuse des droits et devoirs de chacun. Mettre en œuvre une conviction est mieux que de se contenter de l'annoncer : « Il faut non seulement se demander comment l'Évangile peut transformer une culture, mais aussi comment une culture peut transformer la vision que nous avons de l'Évangile... » Dans les cultures se trouvent des semences du Verbe (Justin). Il y a en elles, des rayons de l'unique lumière. « La lumière dont elles sont porteuses est la lumière même du Christ... Il s'agit de contempler en elles, le Verbe de Dieu et l'œuvre de l'Esprit » (cf Mgr Gilbert Louis, la foi au cœur des cultures et des arts, 2004). Plutôt que de ressusciter une culture chrétienne, si elle a un jour existé, dénichons donc plutôt les signes de l'Esprit.

En fait, il n'y a pas que les signes beaux et agréables à voir ou à entendre. Il y a aussi les cris angoissés. L'art contemporain, qualifié de « no futur » est souvent ce cri. Edward Munch, Francis Bacon en montre la violence. « Manger, faire siens les cris lancés "lancer ailleurs", par d'autres peuples, par des personnes appartenant à d'autres cultures que la nôtre, fait découvrir dans l'Évangile des richesses nouvelles... manger les cris, c'est faire corps avec l'humanité façonnée par une histoire souvent dramatique. » Manger, absorber ce qui est bon et rejeter le mauvais. Entendre, et, pour cela ne pas être effrayé par la violence dramatique du cri. Le dialogue avec la culture contemporaine n'est possible qu'en dehors de la peur.

Qui peut lire ce livre avec plaisir ? Celle, celui, qui n'a pas peur du monde. Qui ne cherche pas à obtenir d'un artiste un art voué à son prestige.

Je pense que l'artiste ouvert à l'Évangile trouvera dans cette méditation une solide nourriture. Attentif au cri de la culture ambiante, en peu de pages, il trouvera une histoire du vivre chrétien qui alimentera son désir d'inculturer la Révélation dans les mots d'aujourd'hui. Écouter pour savoir quoi dire et comment le dire. D'Isaïe à aujourd'hui, dans la présence du Ressuscité, l'artiste comprendra qu'il n'y a pas d'art chrétien, de culture chrétienne, mais des expressions qui redisent avec des mots toujours nouveaux l'éternelle saveur de la Bonne Nouvelle.

C'est dans cette perspective créatrice que je verrais bien la constitution d'un groupe de créateurs échangeant sur le dialogue de Dieu avec toute l'humanité dont nous avons dans ce petit livre, un clair « catéchisme ». L'art est combat, il n'est pas que « art sacré ». « Vous savez, écrivait Jean Paul II en 1999, que l'Eglise n'a jamais cessé de nourrir une grande estime pour l'art en tant que tel. En effet, même au-delà de ses expressions les plus typiquement religieuses, l'art, quand il est authentique, à une profonde affinité avec le monde de la foi, à tel point que, même lorsque la culture s'éloigne considérablement de l'Église, il continue à constituer une sorte de pont jeté avec l'expérience religieuse. Parce qu'il est recherche de la beauté, fruit d'une imagination, qui va au-delà du quotidien, l'art est par nature une sorte d'appel au Mystère ».


Publié dans Art

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