Évangile et religion.

Publié le par Michel Durand

Il m'arrive souvent de penser et de dire que le christianisme n'est pas une religion. En cela, je me laisse influencer notamment par quelques courants évangélistes qui interrogent violemment le catholicisme.

Dans les années 70, il était coutume d'alerter le croyant sur les dérives religieuses du christianisme. On devait le faire dans la mouvance de Loisy qui disait : "Jésus annonçait le Royaume et c'est l'Église qui est venue".

Depuis Constantin, avec une reprise sous Charlemagne, l'institutionnel ne l'emporte-t-il pas sur le vital selon l'Évangile ?

mob675_1275557490.jpgDimanche : la Fête-Dieu. Religion ou Evangile ?

Je pose cette question ; ainsi à l'homélie de dimanche prochain.

Voir sur ce site.


Voir le disciple du Christ comme une sortie d'une religion établie ne me déplaît donc pas et je souscris volontiers à cette perspective pour rejoindre plus authentiquement la saveur dynamique de l'Évangile. Jésus, par toute sa vie et tout son message, affranchit des pratiques uniquement rituelles parce qu'il apporte dans la liberté la vie.

Il convient néanmoins de reconnaître que tout est beaucoup plus nuancé que cela. Avant d'être évangélique, l'homme n'est-il pas religieux ? L'athée n'est-il pas religieux quand il développe une conception spirituelle de l'existence ? En effet, aujourd'hui, sans vouloir se dire croyant, nombreux sont ceux qui témoignent à la vue de tous de l'importance d'une vie spirituellement conduite. On parle de spiritualité athée.

Après avoir lu la trilogie de Jacques Neirynck -un pape suisse, qui donne à penser malgré l'invraisemblable fiction- j'ai abordé le dernier livre de Jean Mansir : "L'Évangile et la religion", Cerf, février 2011. Voir sur mon blog.

Dans les années 90, j'ai travaillé avec Jean Mansir à la rédaction de la revue de la Pastorale du Tourisme : "Haltes", et je connais un peu son lieu de vie, l'Association "Confluences" ayant organisé un voyage à Boscodon où il vit actuellement. Bref, c'est pour toutes ces raisons que j'ai acheté son livre. J'ai eu un grand plaisir en découvrant qu'il rejoignait mes réflexions. Il écrit :

"Dans la dernière étape de ma vie, je constate qu'entre l'Évangile et la Religion un écart important, pour ne pas dire un conflit, a toujours existé au fond de moi, et qu'il n'a fait que s'élargir au fil des ans... Comment intéresser et si possible séduire des hommes et des femmes généreusement engagés dans la société, mais sans référence aucune au Christ et à son Évangile, lorsqu'on traîne derrière soi, nécessairement, le lourd bagage d'une religion souverainement instituée et sûre d'elle-même jusqu'à l'affirmation de son intemporalité et de son infaillibilité ?"

L'imagination de Jacques Neirynck illustre ces propos. Aussi je conseille vivement la lecture de ces auteurs.

Jean Mansir trace, dans un langage accessible à tous, une vaste histoire de l'humanité et de l'Église sous l'angle du religieux fondamental. Il explique rapidement et suffisamment le sens des mots : religieux, religion, symbole, Évangile… Il situe clairement ce qui me semble important pour aujourd'hui, à savoir, la place du ressenti spirituel dans toute existence : "L'homme, animal doué de raison, doit lutter contre la nature environnante pour subsister ; mais l'homme est aussi "esprit", et à ce titre, il ne considère pas le cosmos à travers ses seuls besoins physiques : il "nomme" les êtres (voir Gn 2,19), c'est-à-dire qu'il se crée un "monde", son monde. Il donne aux êtres un sens  qui leur fait surplomber le simple donné objectif pour les faire entrer dans l'ordre des symboles et des valeurs. La religion (comme aussi l'art) manifeste qu'il existe, à côté de l'activité technique, une autre activité, proprement humaine : l'activité symbolique".

Alors que la Bible et les monuments chrétiens sont entrés dans le patrimoine commun à tous de toute l'humanité, sans référence confessionnelle explicite, comment allons-nous aborder le personnage du Christ pour lui conférer tout ce qu'il est ?

Homme, Jésus est religieux parce que d'abord il est homme. Mais, en plus il appartient à un peuple religieux particulier au sein duquel il ne craint pas de combattre ce que nous désignons comme étant des dérives cultuelles et légales. Dans son combat contre l'hypocrisie religieuse, nous découvrons alors la puissance de sa divinité. Jésus, homme et Dieu. Religieux et libre de toute religion.

D'une certaine façon, cette étude et méditation sur l'Évangile et la Religion, rejoint les explications de Christoph Théobald sur l'Inspiration du Texte biblique, le problème de la révélation, dans la relecture que nous sommes, 50 ans après le Concile, invités à faire de Dei Verbum.

C'est peut-être pour l'unité de ces réflexions que j'ai bien aimée et trouvée utile cet ouvrage de Jean Mansir. Je vous invite vraiment à le lire. Il me semble même que cet ouvrage est abordable par une personne n'ayant aucune connaissance des Évangiles et de l'Église. Cela pourrait lui servir d'introduction aux textes révélés, inspirés. Par exemple, dans les chapitres où il est question du Christ, l'auteur nous offre un agréable parcours en compagnie de Jésus : suivre Jésus dans sa prière, ses miracles, ses paroles, sa méditation silencieuse, etc…

En quelques mots : Jésus est fondamentalement religieux. Il l’est dans sa relation avec le Père vécue seule ou en communauté (Église) et non dans son obéissance à des préceptes moraux ou cultuels qui demeurent à l'extérieur de l'âme. Ainsi, son attaque du fait religieux ne conduit pas à une sécularisation de l'homme religieux comme les philosophes de la fin du XXe siècle le prédisaient.


Publié dans Anthropologie

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