Il ne faudrait pas laisser tout le terrain aux technocrates mais écouter les contributions des la société civile
Il y a eu à Babylone les prêtres serviteurs du dieu de la ville, Mardouk. On peut imaginer tous les ba’als de la terre et l’on se rapprochera, passant auprès des prêtres de pharaon, des prêtres légalistes du Temple de Jérusalem, des prêtres d’empereurs divinisés… on s’approchera des serviteurs du dieu contemporain. Capital !
Chaque jour les informations qui sont à notre disposition apportent en nourriture des faits, des discours valorisant le service des
prêtres adorateurs de Mammon. Cet absolu sacré, que l’on ne peut toucher, car il est le seul à conduire le monde vers son bonheur.
Jacques Ellul parle de l’envahissement des technocrates. Ce sont eux qui possèdent la vérité ; les Etats doivent se soumettre à leur analyse qui ne peut être que vraies et le politicien doit se conformer à l'avis des experts. Le citoyen, lui-même noyé sous un flot d'informations, a le sentiment de ne pas bien comprendre les problèmes ; il devient un jouet facile pour les propagandes. Ainsi fut élevée l’utopie de la tour de Babel.
Il y a les serviteurs de l’Homme. Ceux-ci pensent que l’argent n’est qu’un outil à son service. Il y a les serviteurs de l’Argent. Ceux-ci pensent qu’aucun obstacle ne doit être placé en son développement. Il est quand même facile de choisir son camp ! Pourquoi les voix autorisées des serviteurs du Dieu biblique sont-elles si craintives, sinon inexistantes ? Le domaine des arts plastiques contemporains comme celui de l’économie en témoigne. Je parle, évidemment des deux secteurs que je connais un peu.
Aujourd’hui je vous fais part d’un article de La Croix qui m’a suscité ce commentaire. En fait deux articles. L’un d’un défenseur de l’Homme. L’autre d’un partisan de l’économisme. Je simplifie, mais je ne m’égare pas.
Voici je communique dans le camp de la défense de l’homme. Ecologie verte et croissance durable sont des supercheries.
FORUM XAVIER RICARD, directeur des partenariats internationaux au CCFD-Terre solidaire:
L’échec de la conférence de Rio : vers la fin du multilatéralisme ?
La conférence de Rio + 20 s'est achevée sur un double échec : un échec idéologique et un échec politique.
Un échec idéologique tout d'abord : sous la pression des entreprises et des théoriciens de « l'économie verte », les États ont entériné la notion de « capital naturel », qui justifie sur le plan théorique la privatisation de biens communs (biodiversité, eau, air). Nous considérons qu'il y a là une imposture : les biens communs ne sont pas privatisables car leur accès est libre, et leurs « qualités» collectives veulent que leur préservation soit réglée par un jugement d'intérêt général. La nature n'est pas un « capital », car les écosystèmes ne sont pas fongibles (on ne peut pas les convertir en autre chose). Un écosystème n'est pas un stock, mais un organisme, dont la préservation relève de la gestion des flux et non de l'accumulation. Plutôt que de capital, il convient donc de parler de patrimoine naturel. Un patrimoine est une qualité. La qualité des patrimoines naturels n'est pas donnée d'une fois pour toutes, elle doit être reproduite cycle après cycle. Cette reproduction est contrainte par la finitude des ressources naturelles, dont le texte ne fait même pas mention. Elle nous oblige à passer de la croissance (qui reste le maître mot de la Déclaration) à la viabilité.
Un échec politique : la déclaration de Rio + 20 ne prévoit aucune mesure garantissant la préservation et la reproduction du patrimoine naturel, à aucune échelle (globale ou locale). Elle s'en remet à l'autorégulation des entreprises et au marché qui devient le seul principe organisateur des sociétés. La complexité des enjeux actuels exige au contraire d'adopter des régulations contraignantes définies par la négociation collective. Ces mesures doivent être inspirées par un principe de justice sociale. Elles doivent viser l'émancipation des individus vis-à-vis de toutes les formes d'aliénation, car cette autonomie est requise, à différentes échelles, pour déployer de nouveaux rapports à la nature.
La déclaration de Rio + 20 reste ainsi en tout point conforme au principe du « laisser-faire ». Les théoriciens ultralibéraux, dont l'influence au sein des appareils d'État n'a jamais été aussi grande, demeurent fidèles à leur utopie : à leurs yeux, le marché n'est jamais assez parfait ni assez total. Cette Déclaration prétend traiter la nature comme l'on traite aujourd'hui la finance, avec le succès que l'on sait. Le texte est hostile à toute mesure contraignante, à toute proposition concrète, à toute engagement.
Sur tous ces points, la prise en compte des contributions de la société civile aurait permis des avancées décisives, soucieuses tout à la fois des droits de la nature et des droits humains, notamment ceux des individus les plus exclus et vulnérables. Nous regrettons la déconnexion entre le Sommet des peuples et le Sommet officiel, qui a fragilisé le processus de négociation et la portée de la déclaration finale. Les organisations de la société civile sont porteuses d'une légitimité qui ne leur vient pas des urnes, mais de leur interaction permanente avec les citoyens. Elles ont acquis en vingt ans des compétences aiguës dans tous les domaines d'importance abordés à Rio. Une réforme ambitieuse de la gouvernance internationale leur permettrait de faire part, au sein d'un processus institutionnalisé, de leurs propositions, qui deviendraient alors la base de négociation sur laquelle se prononceraient ensuite les États. Un tel dispositif permettrait de façonner, par le dialogue, un nouveau projet collectif répondant aux exigences du temps présent. Contrairement à ses ambitions, la conférence de Rio + 20 n'a proposé aucune réforme de cet ordre.
L'échec de la conférence de Rio + 20, dont la préparation a requis des mois de réunions et qui a rassemblé les appareils de gouvernement et les dirigeants de plus de 100 pays, pose la question de l'avenir du multilatéralisme. Il faut substituer la délibération, élargie aux organisations de société civile du monde entier, à la confrontation stérile des puissances.
La Croix du 4 juillet 2012