Palestine suite et fin : 6
Afin d’éviter les discussions abstraites sur la Palestine, j’ai le bonheur de vous communiquer ce témoignage de Monique. Voir Palestine 1 ; Palestine 2 ; Palestine 3 ; Palestine 4 ; Palestine 5
Séjour en territoire occupé Automne 2010 (11octobre/22 novembre)
La résistance dans les terres
6e Partie : La tente des nations.
Jeudi 18 novembre
Ce matin, j'ai quitté après trois jours un lieu fort de résistance : « la tente des nations », près de Bethléem.
Une famille chrétienne palestinienne se bat depuis près de 20 ans pour garder ses 40 ha de terre que les arrières grands-parents ont acquis il y a près d'un siècle. Bien sûr on a voulu leur prendre ou leur acheter leurs terres ; mais ils ont tout de suite interpellé la Cour suprême israélienne avec leurs titres de propriété à l'appui et ils ne lâchent pas, malgré toutes les tracasseries administratives qu'on leur met en chemin. Ils ont deux avocats et un fort soutien international. Néanmoins, ils partagent le même sort que tous les Palestiniens, un avenir incertain, bouché et une lutte quotidienne pour tenir.
Tout autour de leur colline, véritable promontoire, les colonies ont fleuri et les encerclent, eux et, un peu plus bas, un village palestinien de plusieurs milliers d'habitants. A leurs pieds, une des plus grandes colonies Betar Illit (38 000 habitants), qui brillent de tous ses feux le soir, quand eux n'ont droit ni à l'électricité, ni à l'eau, ni de construire le moindre abri !
Ils sont pleins d'ingéniosité pour survivre et vivre dans de telles conditions. À part deux petites maisons construites avant les accords d'Oslo (1993/1995 ) qui ont conduit au découpage du territoire palestinien en zones A, B, C (eux sont en C = entier contrôle d'Israël) ; ils ont creusé des pièces en sous-sol, sortes de grottes, et l'hébergement se fait sous des tentes. Malgré tout ils ont 9 ordres de démolition (pour deux nouvelles petites constructions aux trois quarts enterrées, les tentes, une serre, des toilettes« sèches »... !) , pour l'eau, ils récupèrent l'eau de pluie dans une dizaine de puits qu'ils ont creusés, l'électricité vient de leur arriver avec un don par des Allemands de panneaux photovoltaïques.
Leur objectif : faire de ce lieu un lieu ouvert à tous, sans aucune discrimination, un village de la paix ; ils accueillent aussi bien les enfants des camps de réfugiés pour des camps d'été, que des Israéliens des colonies voisines ou d'ailleurs, des juifs en visite en Israël. Ils font tout pour créer des ponts, « nous refusons d'être des ennemis pour nos voisins et que nos voisins soient des ennemis ». Il y a presque tous les jours des visiteurs, cela est aussi très important pour eux, ça en fait un lieu fort, très vivant ; cela se voit, il y a des allées et venues fréquentes d'autant plus remarquables sur une route barrée par des pierres et qui oblige à marcher à pied pour se rendre chez eux.
C'est une ferme, avec une grosse activité agricole, surtout des vignes, des arbres fruitiers, des oliviers.
Pour quelqu'un qui ne connaîtrait pas les territoires occupés, c'est un site qui parle de lui même, sans aucun commentaire. Il y là dans ce site toute l'illustration concrète, de la cruauté et de l'injustice, qu'entraîne le développement des colonies en territoire palestinien, sans compter l'illégalité : à leurs pieds et tout autour, les colonies tentaculaires, véritable cancer ; le gros village palestinien en dessous qui a perdu ses terres avec les colonies qui l'ont encerclé ; et sur une colline cette famille qui se bat, et pour l'instant tient tête au colosse Israël. Encore un temps fort, et une immense leçon d'humanité dans la résistance non violente de cette famille.
Voilà pour ce nouveau séjour en Palestine, qui se finit en Israël à Haïfa.
Haïfa
Je viens de « basculer » sur Israël, pour quelques jours.
Besoin de quitter l'enfermement des territoires occupés, de voir en Israël une ville "normale", où il n'y ait pas cette séparation entre juifs et Arabes, où dans la rue je puisse rencontrer l'un ou l'autre. Quand on vit dans les territoires occupés le juif, c'est celui qui vit dans les colonies, qui a une clôture autour de lui, qu'on ne peut que croiser au bord de la route, et on se regarde alors d'un drôle d'air parce qu'on devine qu'on ne va pas au même endroit, parce qu'on n'attend pas le bus au même endroit... et le juif- colon c'est celui qui a pris les terres affectées aux Palestiniens... Alors comment peut-on a priori avoir une sympathie ?
Les quatre jours à Haifa ont bien répondu à cette quête d'un « ailleurs possible » où les gens se mêlaient dans la ville et les quartiers, sans distinction d'appartenance ; où j'ai pu rencontrer des juifs sans animosité de part et d'autre et en écoute réciproque, où j'ai pu entendre aussi leurs critiques ou leurs interrogations sur la politique d’Israël envers les Palestiniens. J'aurais voulu, mais je n'ai pas pu faute de temps- rencontrer des associations pour mieux parler de la cohabitation entre juifs et Arabes et du statut des Palestiniens. Je n'ai pu avoir qu'un ressenti ; cette ville ouvrière d'où 60 000 Palestiniens ont été chassés en 48 est néanmoins aujourd'hui une ville multiculturelle et multiconfessionnelle qui se distingue en Israël
Monique, décembre 2010
Pour en savoir plus : 9
janvier 2011