Pour une théologie pratique à partir du vécu de ceux et celles qui s'interrogent sur le devenir de la planète.
Plus j'avance dans la lecture du livre de Christoph Theobald, le christianisme comme style, plus je ressens l'importance de cette approche pour aujourd'hui. Et, il me semble que cette façon de voir complète utilement le regard théologique de Joseph Moingt que j'ai abordé l'an passé et qui me semble plus tourné vers les questions internes de l'Église. Mais, encore une fois, je ne suis pas professionnellement théologien ; je n'ai pas les compétences nécessaires pour une appréciation adéquate et raisonnée de ces écrits. Les grandes fresques intellectuelles dépassent considérablement mes connaissances et je ne peux que souhaiter rencontrer des médiateurs (vulgarisateurs) afin de reprendre avec d'autres mots l'essentiel de ces développements. N'est-ce pas, ici exprimé, le laboratoire tant attendu d'une théologie pratique prenant en compte les modes de vie de celles et ceux qui voient dans un style de vie simple, sobre et qui vivent ainsi, une réponse à la crise anthropologique contemporaine ? Crise systémique où le capitalisme devrait être largement interrogé, contredit, nié alors que la plupart des intellectuels en ce domaine ne cherchent qu'à le dépasser, le corriger. Ainsi, Christian Arnsperger, éthique de l'existence post-capitaliste (Cerf) pour un militantisme existentiel, dont les convictions me scandalisent par leur caractère hautement idéologique : "Projet de civilisation, projet culturel, le capitalisme est, par là même aussi un projet anthropologique, un projet d'humanisation". S'il y a des déviances, ce n'est pas grave, car les erreurs peuvent être corrigées. La dynamique culturelle du libéralisme capitaliste peut se libérer de ses scories capitalistiques, croit-on dans cet axe de recherche.
N'y a-t-il pas dans cette affirmation avant tout un acte de foi irraisonné, une crédulité non réfléchie ? Bref, un fidéisme passablement aveugle comme il semble que cela soit fréquent chez les partisans de recettes pour sortir des difficultés d'un système en place depuis plus de trois siècles qui, observe-t-on, a fait ses preuves. Aussi, dans ce milieu, personne n'a peur d'écrire : "Nous verrons que nos valeurs culturelles, nos niveaux de conscience et jusqu'à la chimie de nos corps et de nos cerveaux peuvent être dit capitalistes"… "À travers notre adhésion quotidienne à ces axiomes, nous sommes des corps et des psychés capitalistes dans une culture et un système économique et politique capitalistes, et avec une conscience capitaliste de nous-mêmes".
Qui prouve le bien-fondé de ces axiomes, de cet axiome ? Rien ! Donc, illusion pure et finalement, fidéisme scientiste grossier.
Face à de telles assertions, je pense que la théologie chrétienne, catholique, imprégnée de l'Esprit des conciles du Vatican apporte d'utiles ouvertures. J'aimerai, au moins sans trop tarder, pouvoir m'engager dans ce débat avec des penseurs de divers horizons. Christoph Théobald m'y invite :
"Ce que les sociologues appellent "sécularisation interne" du catholicisme se présente donc, dans le corpus conciliaire, comme "conversion" ou "décentrement". Ce gigantesque processus d'apprentissage conduit l'Église à entrer en communication avec d'autres croyants, athées et forces économiques, sociales et politiques de sociétés jusqu'à prendre progressivement conscience de leur altérité et du "profit spirituel" qu'elle peut tirer d'un dialogue avec eux" (p. 160).
Je vois dans cet autre passage du théologien C. Théobald (p. 138-139), un encouragement à observer le monde actuel selon une théologie pastoralisante (pratique) pour y apporter l'éclairage du Christ, Parole éternelle de Dieu qui, de tout temps, apporte des réponses nouvelles aux situations inédites. Mais, pour cela, que l'Église et sa (ses) théologie(s) soient à l'écoute de la Source.
"Comment est-on parvenu à concevoir le christianisme comme style ? La manière de formuler la question indique que le diagnostic théologique du moment présent est, comme toujours, le résultat d'une décision interprétative et d'une recherche critique de ce qui la légitime d'un point de vue historique.
Il faut cependant attirer l'attention sur deux points. Le premier s'est imposé à nous dès notre premier regard stylistique sur la sainteté hospitalière de celui qui n'a rien laissé d'écrit. L'approche théorique de la présence du christianisme au sein des sociétés modernes et postmodernes risque en effet de suggérer un rapport instrumental avec la culture environnante, l'Action (1893) de Maurice Blondel. Des approches autres que doctrinales, menées par les historiens et les sociologues, nous ont appris que les ressorts le plus profonds des sociétés européennes ne sont pas d'abord d'ordre idéologique ". préjugé inconscient qui guette tout intellectuel, qu'il soit catholique ou non. On peut le remarquer à propos du magistère romain dont les réactions au modernisme surestiment l'influence de la doctrine dans l'Église et la société. À la même époque, un même reproche est à faire aux adversaires du catholicisme, eux aussi enclins à croire en leur pouvoir de changer la société de haut en bas à partir de leur idéologie du progrès. Or, l'histoire nous révèle que des transformations totalement imprévues se sont produites dans les profondeurs des sociétés et en deçà de leurs divisions idéologiques. Qu'on pense à la masse de ceux, chrétiens ou non, qui, mêlés dans les tranchées de 1914-1918, ont fait une véritable expérience "spirituelle" comme le note Theillard de Chardin, ou encore à ceux qui, dans l'Action Catholique et déjà parmi les chrétiens sociaux ou dans le Sillon, ont rejoint leurs contemporains dans leur milieu ou dans des classes sociales différentes de la leur pour humaniser la société, non sans référence d'ailleurs à l'Action (1893) de Maurice Blondel. Des approches autres que doctrinales, menées par les historiens et les sociologues, nous ont appris que les ressorts le plus profonds des sociétés européennes ne sont pas d'abord d'ordre idéologique ".
(p.138-139)