Quelques arguments favorables ou opposés au mariage pour tous.
Aujourd'hui, je remercie Robert, Prêtre ouvrier pradosien, qui offre de son temps pour communiquer de très bonnes pages.
Voici la réflexion de Jean Rigal, théologien, prêtre du diocèse de Rodez.
D’une manière un peu scolaire, j’ai essayé de relever les arguments favorables ou opposés au mariage pour tous. Cela peut faciliter un échange, ce qui est le but de ces pages.
1) Les arguments en faveur du mariage pour tous.
1 C’est l’engagement 31 du Président de la République.
2) Il y a des précédents : la Suède, l’Espagne, les Pays-bas, la Belgique ont franchi le pas.
3) Les sondages d’opinion donnent environ 61/% de français favorables au mariage pour tous. (Il y en a nettement moins pour l’adoption).
4) On relève des opinions différentes au sein même des catholiques. D’autre part, sur un plan politique, on cite quelques exemples de membres de l’UMP favorables au mariage homosexuel, notamment Roseline Bachelot. On dit aussi que le président Obama y est favorable.
5) « Le mariage pour tous » : cet argument revient sans cesse, au nom de l’égalité. Un certain nombre de couples homosexuels revendiquent de bénéficier, sous cette forme, des mêmes droits et des mêmes devoirs que les couples hétérosexuels. Toute alternative à cette liberté (y compris au niveau du vocabulaire) correspondrait à une sorte de « non-reconnaissance » de ces personnes. C’est l’argument prioritaire, développé par la ministre de la justice et par le premier ministre. « Dans le mariage pour tous, c’est une nouvelle étape pour l’égalité qui est engagée ». (J.M.Ayrault).
6) L’évolution historique va dans ce sens. Il y a une évolution spectaculaire des mœurs et des mentalités. Ainsi, le divorce est aujourd’hui largement accepté. Sur le nombre de personnes mariées, on compte, en France, environ 45/% de divorces.
7) Une nouvelle conception du mariage se profile : la famille n’obéit plus à un modèle unique ni même dominant. Moins de la moitié des couples sont légaux (certains sont mariés, d’autres divorcés, d’autres pacsés ou vivant en union libre).
8) C’est l’amour des parents qui importe. Cet argument est avancé, entre autres, par le philosophe Michel Serres. Ce propos permet de soutenir que les familles homoparentales sont capables d’être aussi stables et aussi éducatrices que les autres…
9) Il faut un cadre juridique pour la protection des enfants éduqués par un couple homosexuel. Selon l’Insee, il y a environ 40000 enfants, en France, éduqués par un couple homosexuel.
10) L’enfant accueilli par un couple homosexuel rencontrera, dans la famille ou la société, des personnes d’un autre sexe que le sien qui lui permettront de s’identifier. D’où l’on peut espérer qu’interviendra l’image paternelle et maternelle.
11) Etre contre le mariage homosexuel, c’est être homophobe, ou encore, ringard, rétrograde, « il faut être « moderne »..
12) Les Églises, les religions n’ont pas à s’immiscer dans l’établissement de la législation française. « Aucune conviction religieuse ne peut s’imposer à tous ». (J.M. Ayraut). Les Églises n’ont pas à s’occuper de la morale.
Autres arguments : Vous complétez ………
2) Les arguments en faveur du mariage hétérosexuel.
1) Cette question dépasse, et de loin, les arguments politiques et parfois politiciens. Beaucoup de français ont voté pour François Hollande pour l’orientation sociale de son programme et aussi contre le président sortant : Nicolas Sarkozy. A noter aussi que les scores étaient relativement « serrés ». Cet argument politique doit être mesuré à sa juste proportion…
2) Pour cette même raison, est-il normal, républicain, que l’on fasse pression sur le groupe des députés socialistes, en écartant, comme l’a dit leur président, les choix de leur conscience ?
3) Tout le monde sait que ce projet de loi, est en partie, lié à la pression de Lobbies influents. Faut-il se soumettre à ces pressions dans des choix qui engagent, en profondeur, la vie sociale et son avenir ? Par ailleurs, beaucoup de français ne se sentent pas concernés par cette question et n’ont pas d’opinion précise. D’où la relativité des sondages ! Sans doute, une marque d’individualisme ?
4) Allons au fond des choses. La question du mariage pour tous a une incontestable dimension politique, mais ce n’est pas la seule. Surtout, elle n’est pas prioritaire. La dimension anthropologique est autrement importante. Peut-on parler de mariage (union d’un homme et d’une femme selon le Dictionnaire et le langage courant) pour un couple homosexuel ? Y a-t-il équivalence ? – Egalité oui. Identité, sûrement pas. Ce serait remettre totalement en cause le sens du mariage qui est, selon la loi, la reconnaissance légale de l’union d’un homme et d’une femme orientée vers la procréation. Réfléchissons : Que serait le mariage de deux femmes non homosexuelles ? Qu’on le veuille ou non, la différence sexuelle demeure radicale, avec les conséquences qu’elle entraîne pour assurer et structurer la vie des hommes et l’avenir de l’humanité. Ces données, de bon sens, sont essentielles. Ce que nous appelons le mariage désigne l’union d’un homme et d’une femme et il est ouvert à la naissance de nouveaux êtres. Il est le socle de la vie sociale. Il ne peut y avoir naissance d’êtres humains que dans la rencontre de cette différence masculine et féminine. Employer le même mot « mariage » pour désigner deux réalités foncièrement différentes est une forme d’usurpation. Comme si l’égalité (qui fait partie de notre devise républicaine) excluait toute différence alors qu’il n’y a égalité que dans le respect des différences. Un Africain n’est pas un Européen et il n’a pas à le devenir, et tout le monde n’est pas ministre…Ceci explique que le Canada préfère parler de « l’Union civile de personnes de même sexe », l’Allemagne « de Partenariat de vie », d’autres encore « d’Alliance civile », Fr Bayrou « d’Union ». On ferait bien de s’en inspirer ! Il serait facile d’inventer d’autres expressions !..
5) Le mariage homosexuel est revendiqué au nom d’un principe d’égalité : « le mariage pour tous ». Pour certains, l’interdire constituerait une véritable discrimination. On peut penser que beaucoup de couples homosexuels expriment ainsi une souffrance et traduisent non seulement le besoin légitime de ne pas être méprisés dans la société mais d’être reconnus à part entière, sur le plan social mais aussi juridique.
6) L’homosexualité n’est pas un choix volontaire de la personne mais un état de fait. Il importe de préciser sur ce point, que l’Église catholique ne condamne pas l’homosexualité en tant qu’état de fait et « dont la genèse psychique reste largement inexpliquée ». Le Catéchisme de l’Église catholique, n°2358, précise : « on évitera à l’égard des homosexuels toute marque de discrimination ». Il est donc stupide d’accuser d’homophobie toute contestation du « mariage pour tous ». Par contre, demeure la question importante : Quel accompagnement spirituel l’Église peut-elle proposer aux homosexuels qui décident de vivre en couples ?
7) Suite à la question « peut-on parler de mariage pour tous » dès qu’on s’aime» ? (ce qui d’ailleurs, au sens strict, est impossible sous peine d’inceste), surgit celle de l’adoption. La question n’est pas nouvelle : on rappelle que les célibataires peuvent adopter, en France, depuis une loi de 1966.Mais dans les faits, c’est rarissime.
Pour structurer sa personnalité, une personne a besoin qu’interviennent « image paternelle » et « image maternelle ». Sait-on bien quels sont les effets de l’homoparentalité sur l’identité et la croissance de l’enfant ?- Cela suscite beaucoup de débats et, à ce jour, les conclusions ne sont pas claires. Que d’interrogations auront à vivre les enfants adoptés par des couples homosexuels. « Ai-je un père et une mère » ? Suis-je comme les autres enfants? Quelle est mon origine ? » etc.
8) L’adoption, si elle est légalisée dans ce contexte, va normalement conduire à la recherche d’un ou plusieurs enfants. Quels procédés seront utilisés pour « avoir un enfant » ? Etant donné que la procréation suppose la bisexualité, il est possible que l’on se tourne, à plus ou moins long terme, vers la PMA (la procréation médicalement assistée) pour les couples de « lesbiennes », et peut-être vers la GPA (la gestation pour autrui) pour les couples homosexuels. En effet, il y a pénurie d’enfants adoptables aussi bien en France qu’à l’étranger. La GPA, en Ukraine, coûte 70000 Euros. Dans ce cas, quelle marchandisation et aliénation des femmes ! Que va-t-on décider à ce sujet ?
9) L’adoption offre des droits beaucoup plus étendus que le simple PACS (le pacte civil de solidarité) qui est un contrat juridique « privé ». L’adoption permet de donner son nom aux enfants et de leur transmettre son patrimoine. Mais elle n’est jamais, disent les parents adoptifs, un choix anodin.
10) Tout ceci pose, à l’évidence, après « la notion de mariage », la 2ème grande question du « mariage pour tous ». La filiation . Le sens de la filiation (parents-enfants) est profondément modifié à partir du moment où la filiation n’est plus fondée sur l’engendrement biologique (qui laisse des traces dans sa chair) ou sur le couple « père et mère ». N’est-il pas trop simpliste de dire que l’amour du couple homosexuel y suppléera, argument utilisé par ceux qui sont pour « le mariage pour tous » et pensent que le mariage n’est qu’une célébration de l’amour ?
11) La question de l’enfant doit rester au cœur du débat. Un enfant doit venir au monde d’abord pour lui-même. En aucun cas, le « désir de l’enfant » ne saurait prévaloir sur « le droit de l’enfant ».
12) Les Églises et les Religions se sont exprimées sur ces questions. Elles souhaitent un vrai débat de société et non quelques auditions rapides. (4 minutes). Car il s’agit bien « d’un changement de société » déclare la garde des Sceaux. Elles encouragent la recherche sur les solutions diverses qu’on peut envisager, mais c’est au législateur de décider…Très centrées sur la question anthropologique de la question, elles ont, sans doute, à approfondir davantage sa dimension culturelle, autour des notions de liberté des personnes, d’autonomie, d’égalité, d’évolution des mentalités et des moeurs, de plaisir, d’amour… En tout cas, dans une république laïque, la voix des Églises est une contribution normale au service du Bien commun.
Faut-il ajouter qu’il n’est pas humiliant d’être minoritaire lorsqu’on croit que des valeurs importantes sont en cause ?
On se souviendra que les homosexuels, en France, représentent seulement 2% de la population. Les Églises ne peuvent se laisser enfermer dans ce débat quand il y a tant de questions sociales urgentes et prioritaires.
Les chrétiens savent que l’Évangile reste leur guide et leur stimulant.
Autres arguments : À compléter…….
Jean RIGAL