Changer de modes de vie pour ne plus venir en aide aux pauvres mais pour agir avec eux à la construction d’un monde juste facteur de paix
Dans les manifestations de soutien d’exilés (les sans-papiers), je regrette que nous ne soyons jamais assez nombreux. Et si je me réjouis de la présence de la CGT, du NPA, des JC (jeunesse communiste) et divers libertaires… je regrette de ne jamais rencontrer CFDT, CFTC. De plus, les mouvements chrétiens ne devraient-ils pas être présents pour soutenir les migrants que l’Europe, n’accueillant pas dignement, marginalise dans la pauvreté ?
Ces jours je lis Fratelli tutti et porte ce texte dans ma médiation. À chaque paragraphe je note les convergences avec d’autres écrits de François, notamment Laudato si et la dernière lettre pour la journée de la paix : La culture du soin comme parcours de paix, sans oublier Un temps pour changer.
Sans cesse, je note des phrases qui s’inscrivent à l’intérieur de la théologie du peuple. Voir ici
Sans cesse, je note une grande proximité entre ce que François nous donne de lire aujourd’hui et les conversations que nous avions en petit groupe de séminaristes avec des membres du Conseil pontifical Justice et paix créée en 1967 par Paul VI. Me reviennent en mémoire les recherches et colloques que, au palais San Callisto, nous avions avec Giorgio Filibeck, jeunes laïcs dont j’admirais l’engagement dans l’Église.
Il publia en 1991 : Le droit au développement : Textes conciliaires et pontificaux (1960-1990) Conseil pontifical "Justice et Paix ». C’est vraisemblablement dans cette ligne que j’ai rédigé en 1970 mon mémoire en théologie : Développement, sacrement de salut.
Bref, comme j‘ai déjà eu l’occasion de le dire, ce que je pense aujourd’hui, ne s’éloigne pas de ce que je méditais jadis même avec de profondes modifications. En permanence je me demande quelles sont les actions à entreprendre pour que le monde change, pour que la justice avec la paix s’installe durablement dans nos sociétés. Et c’est là que je me découvre aujourd’hui en grande difficulté.
En effet, les plus sages disent que rien ne peut changer si l’espérance manque. Foi, espérance, charité ! Nous avons besoin de conversion et celle-ci ne peut venir que dans un élan de grande espérance. Rien ne sert de culpabiliser les gens ou soi-même en mettant le doigt sur les réelles situations d’injustices. Pour ne pas paralyser dans l’inaction, il convient de ne pas condamner. Vivre donc d’espérance !
Nous en parlons souvent avec cette fameuse expression du verre à moitié plein et du verre à moitié vide. Or, lisant Fratelli tutti, voyant tout ce qu’il y a à faire, je ne vois pas le verre à moitié plein, même pas à moitié vide… je le vois presque vide. Je prends alors nettement conscience de l’importance d’une réelle conversion afin de ne pas douter de la bonté de Dieu. Si une mère risque de pouvoir abandonner ses enfants, Dieu ne peut abandonner ses créatures. Son amour plein de miséricorde est infini.
Fratelli tutti : Je demande à Dieu « de préparer nos cœurs à la rencontre avec nos frères au-delà des différences d’idées, de langues, de cultures, de religions ; demandons-lui d’oindre tout notre être de l’huile de sa miséricorde qui guérit les blessures des erreurs, des incompréhensions, des controverses ; demandons-lui la grâce de nous envoyer avec humilité et douceur sur les sentiers exigeants, mais féconds, de la recherche de la paix »
« Souviens-toi de nous dans ta miséricorde. Donne-nous la grâce d’avoir honte de ce que, comme hommes, nous avons été capables de faire, d’avoir honte de cette idolâtrie extrême, d’avoir déprécié et détruit notre chair, celle que tu as modelée à partir de la boue, celle que tu as vivifiée par ton haleine de vie. Jamais plus, Seigneur, jamais plus ! »
« La vérité est une compagne indissociable de la justice et de la miséricorde. Toutes les trois sont essentielles pour construire la paix et, d’autre part, chacune d’elle empêche que les autres soient altérées. [...] La vérité ne doit pas, de fait, conduire à la vengeance, mais bien plutôt à la réconciliation et au pardon. La vérité, c’est dire aux familles déchirées par la douleur ce qui est arrivé à leurs parents disparus. La vérité, c’est avouer ce qui s’est passé avec les plus jeunes enrôlés par les acteurs violents. La vérité, c’est reconnaître la souffrance des femmes victimes de violence et d’abus. [...] Chaque violence commise contre un être humain est une blessure dans la chair de l’humanité ; chaque mort violente nous diminue en tant que personnes. [...] La violence engendre la violence, la haine engendre plus de haine et la mort plus de mort. Nous devons briser cette chaîne qui paraît inéluctable ».
Comment réussir cette mission ?
Certainement en regardant, avec espérance et foi en Dieu, le verre à moitié plein. Et aussi en se donnant les moyens d’une action réussie. Pour cela, ne pas rester seul. Ne pas vouloir agir seul. Mais se mettre à plusieurs pour bien voir le monde dans lequel nous vivons. Le voir, l’analyser afin de discerner l’action à entreprendre. Voir, discerne (juger) agir. J’invite ici à relire les pages suivantes : celle-ci, puis celle-là.
En fait, je ne fais que repenser (de nouveau !) à la pédagogie de l’Action Catholique. Récemment, un cadre de l’Église catholique à Lyon pour recevoir son nouvel évêque, Olivier de Germay, après avoir cité les nombreuses forces vives du diocèse, cita finalement les mouvements d’action catholique disant : « et puis, en son temps; l’ACO; l’ACI… ». Je ne fais que citer de mémoire sans me souvenir de la phrase exacte. Ce qui me semble important désormais, c’est de retrouver le dynamisme des révisions de vie. Par exemple, j’aimerais bien dans la paroisse que je fréquente rencontrer des chrétiens désireux de jeter un regard sur leurs actuels modes de vie afin de prendre les moyens de les convertir. Pour cela la lecture, en équipe de 7 /10 personnes, des textes de François serait bien utile pour bien voir, bien discerner et choisir la bonne action. Dans la ligne de Fratelli tutti, j’affirme de nouveau qu’une paroisse devrait se doter d’un local de diachonie (de service) où des chrétiens seraient régulièrement présents pour venir en aide à qui est dans le besoin. Présence aux pauvres où l’on rencontre le Christ comme on communie à Lui par l’eucharistie. Ainsi, l’Église (la communauté des disciples du Christ) se tourne vers le monde pour être présent en vérité à l’autel. Elle sait qu’il n’est pas question de faire pour les pauvres mais d’agir avec eux. Elle répare les déchirures du monde afin de réunifier tous les enfants du Père. Voir ici.