Rencontrer la modernité

Publié le par Michel Durand

Ils se disent modernes les objecteurs de croissance, tellement modernes qu'ils se croient et se voient en avance sur leur temps.

Et je partage leur conviction.

Mais, les promoteurs d'une modernité économique libérale les considèrent comme vivant encore à l'époque de la bougie ou, pire, de lampe à huile.

Comment les « décroissants » voient-ils les chrétiens et, parmi eux, les catholiques ?

Peut-être comme des prisonniers de principes moraux qu'ils cherchent à imposer avec intransigeance à toute la société ? Alors que, dans les faits, ils partagent au quotidien les mêmes valeurs fondamentales.

J'ai déjà dit et écrit cela. Mais je ressens le besoin aujourd'hui de le reformuler un peu autrement, avec moins de prudence peut-être. C'est la preuve de mon désir de trouver une porte ouverte au dialogue.

Comment l'Église peut-elle s'exprimer avec l'intransigeance nécessaire ? Serait-elle actuellement beaucoup plus exigeante qu'il y a une quarantaine d'années ? Applique-t-elle toujours son exigence à un domaine qui la marginalise de la recherche scientifique contemporaine ? Église contre modernité !

Que répondre quand on évoque encore les attaques émises par « le Syllabus » (document publié en 1864 par le pape Pie IX et condamnant un certain nombre de thèse et de doctrines contemporaines : naturalisme, rationalisme...,  définition selon le Larousse)?

Pour devenir prêtre et entrer, ainsi dans la hiérarchie catholique, j'ai dû prêter le serment antimoderniste. Les Pères spiritains en charge du séminaire français à Rome nous ont expliqué que ce n'était qu'une formalité, qu'on n'était pas obligé d'adhérer en profondeur, mais qu'il fallait quand même le prononcer. Une liturgie fut organisée dans la sacristie de la chapelle du séminaire. Sans aucun public. Une mascarade, selon le souvenir que j'en ai. En fait, je me rappelle surtout du décalage entre la réalité que nous vivions dans nos études à l'Université grégorienne tenue par les jésuites et le contenu de ce texte.

Et aujourd'hui, XXIe siècle, voudrait-on de nouveau régler des comptes au « Lumières », courant qui semble de plus en plus accusé de tous les maux que l'Église déniche dans la société ? Par exemple l'individualisme, l'exacerbation de la liberté.

Franchement, je crois que les problèmes sont à chercher ailleurs. Allons au plus profond de l'humanité et ouvrons les yeux sur l'homme qui ne vit pas seulement de pain. Quelles sont les valeurs fondamentales de l'humain ?

Les « Lumières » apportent une irréversible révolution culturelle et dans l'Église (catholique) on n'aurait pas encore vu l'ampleur de la nouveauté ? On chercherait toujours à imposer, avec intransigeance, un art de vivre élaborée sous la féodalité moyenâgeuse ? Que répondre ?

Rien ! continuons, par contre, à réfléchir sur le désamour qui sépare les chrétiens des « modernes », alors qu'ils pourraient s'entendre dans le refus d'une philosophie matérialiste issue du libéralisme économique.

Comment exprimer ensemble notre attachement au spirituel qui humanise l'homme, notre refus de se laisser dominer par l'économisme d'un libre marché absolument concurrentiel sans être qualifié de « primitif », d'antimoderne, d'obscurantiste soumis à une valeur transcendante qui, disent-ils, n'existerait pas, car n'est vrai que ce qui émane de l'existant.

Comment rejoindre les attentes contemporaines de libérations du néolibéralisme économique sans être affublé d'oripeaux ecclésiaux passéistes, tout en gardant la saveur libérante de l'Évangile ?

Mais, voilà, au jour d'aujourd'hui, j'ai beau me poser la question de différentes manières, je ne vois pas comment faire entendre cet état de la question.

L'objectif à atteindre demeure :

Exprimer des convictions anticapitalistes, propres à l'enseignement  (doctrine) social de l'Église, sans être rangé parmi les antimodernistes, sans évoquer l'idée d'un retour à une société rurale traditionnelle et artisanale d'avant le XVIIIe siècle. Sans recevoir les quolibets (interne à l'Église également) à l'adresse des vieux soixante-huitards.

Condition du paradigme : imaginer le futur sans crainte, sans nostalgie, ni négation du passé.

N.B. J'ai pris le temps de relire cette page. Elle ne me semble pas très claire dans sa formulation. Je la livre quand même à votre lecture et discernement. Merci d'y apporter votre « Lumière ».

 

Publié dans Anthropologie

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