Pendant ce temps de retirement de la vie active urbaine, j’expérimente les modes de vie que nous devrions tous avoir sur toute la terre

Publié le par Michel Durand

Pendant ce temps de retirement de la vie active urbaine, j’expérimente les modes de vie que nous devrions tous avoir sur toute la terre

Skoura

février-mars 2014

On me demande souvent de raconter mes vacances. Je le fais avec cette page. Le moment est propice à ce récit-témoignage. C’est bientôt, en effet, le départ de certains pour les grandes vacances d’été, à moins que cela ne soit la vacance permanente attachée à l’âge de la retraite.

Pour mon traditionnel retirement annuel, je me trouve cette année dans un coin de la palmeraie de Skoura, au Maroc, dans la région de Ouarzazate. Je suis déjà venu en ce lieu alors que je souhaitais rendre visite à Daniel Duigou. A l’époque je logeais dans la demeure de M. Slimani. Ce mois, je bénéficie du merveilleux espace de l’Ermitage. En effet, la maison sise au milieu de ce grand jardin, propriété de D. Duigou, a été rachetée par des Lyonnais, voisins de Saint-Polycarpe. Finalement, je trouve très agréable la Providence à mon égard. Elle me pousse vers ce temps de repos solitaire (quasi solitaire, car il y a toujours de monde dans une oasis). Tantôt, c’est en Algérie grâce à la maison d’Ahmidou, un voisin de St Polycarpe, dans le jardin de la palmeraie de Béni Isguen, pays des Ibadites au M’Zab, tantôt en Tunisie, grâce aux renseignements glanés chez l’épicier tunisien de la place des Capucins, tantôt au Sud Maroc.

Pourquoi une palmeraie ?

Parce qu’à côté d’une région désertique, c’est dans l’oasis qu’il y a la vie. On ne peut vivre que difficilement dans le désert. Par contre, dans un village oasien, il y a tout ce qu’il faut. C’est la campagne en son maximum, avec le silence et la douceur du climat : bien que, parfois, le soleil soit trop chaud et l’ombre trop froide. Je parle de la fin de l’hiver.

Pourquoi ces régions d’Afrique du Nord ?

Les espaces sont vastes. Les promenades solitaires agréables. Il n’y a pas de clôture, sinon autour des maisons. Les chemins sont multiples : traces de troupeaux, sentiers muletiers, pistes pour véhicules motorisés. Dans la palmeraie de Skoura, on peut passer d’une terre cultivée à une autre, d’une propriété à une autre, sans rencontrer de barbelé. C’est comme si la propriété privée n’existait pas. En fait, elle existe, mais elle n’est pas enserrée dans des clôtures. Ce sont les digues de l’irrigation qui servent de sentiers et de limites. La confiance est de rigueur.

Pourquoi venir en ce lieu ?

Tout simplement parce que je reçois le témoignage de la vie simple, sobre. Les maisons sont peu meublées ; tapis, matelas mousse et cousin composent l’essentiel ; les gens vivent de peu même s’il y a la télévision ; ceux qui n’ont pas choisi l’exil vers la ville ou l’Europe montrent leur attachement à ce mode de vie proche de la terre.

Enfin, bref, je ne connais pas toutes les maisons. Il est certain que j’idéalise puisque je ne suis que de passage et que mon regard est celui d’un Européen toujours et partout vu comme un « très riche ». Même les migrants marocains qui se sont fait construire une maison sur le terrain familial sont considérés comme très fortunés. Au mois d’août, alors qu’ils sont nombreux à être revenus passer les vacances au pays, les prix des produits alimentaires augmentent.

Autrement dit, pendant ce temps de retirement de la vie active urbaine, j’expérimente les modes de vie que nous devrions tous avoir sur toute la terre. J’en parle souvent dans mes réflexions concernant l’objection de croissance : moins de biens, pour plus de liens. Il demeure que je reste quelque peu honteux, de prendre l’avion, pour, rapidement, changer d’air d’existence. Que voulez-vous ? Qui n’a pas ses propres contradictions ? Il faudrait que je me mette sérieusement à chercher un coin de terre française qui me donne autant satisfaction.

Où, plus près de mon domicile habituel je pourrais me retirer pour jouir d’un espace approprié et d’un temps de désert au propre et au figuré ?

Vivre seul, même un petit mois, n’est pas facile. La paresse, l’ennui guettent en permanence. Les spirituels des anciens temps parlent d’acédie. Ils n’ont pas tort. Pour combattre à tout prix ce mal-être de l’ennui, par contre, il ne convient pas de multiplier les occupations, les lectures. Il fut un temps où je me donnais de très longues marches dans la nature. Le plus jeune âge me le permettait. J’ai alors expérimenté que le désert de pierres (reg) était bien plus agréable pour la marche que celui de sable (erg) qui multiplie la fatigue d’un pas s’enlisant sans fin dans un sol instable.

Je ne sais quel moine a dit que le déplacement du corps était une néfaste distraction, un divertissement qui coupe de la recherche essentielle. Du reste, l’Église n’a jamais bien apprécié les gyrovagues. Donc, savoir rester immobile. Ne pas multiplier les promenades qui ne seraient qu’évasion, distraction. Lire. Méditer. Écrire. Se détendre. Obtenir un bon équilibre de tous ces temps.

Comme chaque année, pour ce rituel retirement au désert (au sens figuré plus qu’au sens propre du mot – en fait, on ne vit jamais dans le désert - Jésus ne se retirait que dans un endroit désert), je me donne un règlement à l’imitation d’Antoine Chevrier qui traça plusieurs règlements de vie afin d’atteindre son but : devenir un véritable disciple de Jésus-Christ. Un règlement qui puisse permettre de ne jamais s’ennuyer quand on n’a vraiment rien à faire. En effet, il me semble qu’un des critères d’une bonne gouvernance de son existence est le non-ennui. Ressentir une plénitude, un bonheur complet quand il n’y a absolument plus rien à faire. La totale contemplation du Paradis.

Mais, il est temps que je m’arrête d’écrire. On ignore tout du Royaume.

Pendant ce temps de retirement de la vie active urbaine, j’expérimente les modes de vie que nous devrions tous avoir sur toute la terre

Règlement en un temps de vacance.

En fait, d’année en année, c’est toujours le même ou presque

Donc à l’Ermitage de Skoura en février-mars.

Lever avec le soleil entre 6h 30 et 7 h

Petit déjeuner et toilette. Désolé, mais je n’arrive pas à servir Dieu en premier.

Rangement de la chambre (le lit)

7 h 45 – 8 h 45 : méditation avec l’Évangile du jour

prière du matin et office des lectures.

9 h – 11 h lecture d’un ouvrage de théologie (F. Euvé et P. Y. Materne)  et/ou écriture

11 h – 13 h détente sur la terrasse ou dans le jardin ou dans les environs ; quelques courses, si nécessaire

13 h repas

suivi d’un temps de repos (sieste)

vers 14 h 30 office du milieu du jour. Étude d’Évangile ou nouvelle lecture théologique ou biblique (cette année sur les psaumes) et/ou écriture

17 h – 18 h prière du soir et méditation

18 h détente, lecture d’un ouvrage type témoignage, promenade dans les environs ; quelques courses

2O h repas du soir

2O h 30 – 21 h 45 lecture de romans

22 h prière de la nuit

 

Dimanche : eucharistie chez les religieuses franciscaines de Ouarzazate (la paroisse)

Une longue sortie par semaine avec un habitant de la palmeraie comme guide. Merci Mansour.

Publié dans Témoignage

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