Ne pas confondre l’organisation mondiale de l’économie et la dimension universelle de l’humanité. Tout homme est solidaire de tous les autres
À lecture de cette lettre en réponse à l’invitation du Président de la République (de France), tous les chrétiens conscients de leur baptême devraient se retrouver, à Lyon, place Bellecour pour exiger des décideurs que changent les orientations politiques de l’Europe. Je dis cela en pensant aux rassemblements de 1984.
----> L’indication en gras de quelques phrases est de mon fait.
La crise sanitaire a amené légitimement à la fermeture des frontières ; la crise économique qui s'annonce invite à retrouver des emplois locaux, à favoriser des achats de proximité, à sortir des bénéfices en trompe-l'œil de la globalisation des marchés. Mais il importe de ne pas confondre deux réalités : l'organisation à l'échelle mondiale des productions et des échanges économiques qui est une réalité contingente, toujours fatalement grevée d'injustices et donc toujours à rénover, et la dimension universelle de l'humanité qui fait que tout être humain est solidaire de tous les autres. L'épidémie nous a fait toucher du doigt que chacun de nous était par son comportement responsable du sort de tous les autres. C'est un aspect de la condition humaine dont il faut nous réjouir. La division de l'humanité en nations ne saurait signifier que chaque nation n'aurait qu'à mener sa course pour elle-même en ne se préoccupant des autres que pour les avantages qu'elle espère se procurer chez eux ou pour les menaces qu'elle redoute de leur part. Au sortir du confinement, il est nécessaire de regarder en face le fait des migrations.
D'une part, les associations caritatives attirent l'attention sur la situation de grande précarité dans laquelle se trouvent des personnes migrantes sans papiers qui pouvaient survivre dans notre pays par le travail au noir et qui se trouvent sans ressources depuis deux mois. Ne pouvant être reçues au titre de l'asile ni reconduites dans leur pays d'origine, ces personnes se trouvent en grande difficulté. Pour ma part, je regrette qu'un pays comme le nôtre ne sache pas donner une place à des personnes qui sont au milieu de nous depuis des années, seules ou avec des enfants, peut-être pas pour y rester toujours, mais dans l'espoir d'y transformer leur situation, d'une situation de mort à une situation de vie. Permettre à ces personnes de travailler n'est pas forcément déjà leur donner la nationalité française. Ce serait un grand pas vers l'hospitalité et toujours mieux que faire semblant collectivement de ne pas les voir et de les laisser chercher à survivre en travaillant dans des conditions périlleuses ou en dépendant des associations militantes et des œuvres caritatives.
D'autre part, le caractère universel de l'épidémie et de la réaction qu'elle a suscitée renforce la nécessité de regarder notre humanité comme une unité. Chaque peuple a pu lutter contre l'épidémie parce que tous les peuples l'ont fait aussi. Mais aussi tous les peuples ont été touchés par l'épidémie ou auraient pu l'être sans qu'il soit possible de désigner un coupable initial. Car la propagation si rapide n'a pas été due à la méchanceté de certains, mais à la variété des échanges entre humains en notre temps. N'y a-t-il pas là une piste pour réfléchir au fait de la migration ? Au nom de quoi certains seraient-ils assignés à un lieu sur cette terre où ils ne peuvent réunir les conditions leur permettant de vivre ? Ne peut-on pas « se serrer pour leur faire de la place » ? À quelles conditions pourrait-on le faire, sans reproduire à grande échelle la promiscuité du métro parisien ? Peut-on les aider à rester dans leur pays d'origine, toute la terre devant être peuplée. Mais alors, comment les aider à acquérir les moyens d'y vivre ?
Éric de Moulns-Beaufort, Le Matin, sème ton grain, mai 2020, p. 51-54.
Voir à ma page du 14 juin : Cercle de silence à Lyon. Combien de migrants morts aux frontières de l’Europe ? Avec raison nous ne manifestons pas sous le coup de l’émotion.