La morale, le sens, de l’histoire de ce jour : le bien que nous faisons circule et n’est jamais perdu, que ce soit pour nous, ou pour autrui
De Jean Marie Delthil :
Oh mon Dieu !
Nos villages sont des havres de paix – c’est bien connu – quelques exceptions, toutefois, confirment joyeusement la règle…
Je vous explique : voici un mois, je me rendais à la Maison médicale de Bonny pour un rendez-vous chez mon médecin ; rien de bien grave, rencontre de routine.
Je quitte la maison en voiture (je ne sais plus trop pourquoi d’ailleurs)... J’emprunte la Grande Rue, laisse la Route d’Auxerre sur la droite et, poursuivant en direction de la Place : j’aperçois sur ma gauche et derrière la vitre de mon véhicule un homme en plein travail de déménagement qui va et vient entre sa voiture et la porte d’entrée de son domicile.
Je parviens à la Maison médicale… entretien sympathique et cordial avec mon médecin.
Je ressors et retourne chez moi à pied ; étant presque arrivé à la maison : « Bon sang, la voiture ! »… je l’avais tout bonnement oubliée ; je repars aussitôt.
La Grande Rue une nouvelle fois, la Route d’Auxerre sur la droite… l’homme déménageant toujours : je le salue, et lui me répond tout naturellement et gentiment. Nous avons en effet gardé cette vieille habitude pour ne pas dire coutume dans nombre de nos villages.
Je retrouve mon véhicule.
Les demi-tours étant un peu problématiques dans le quartier, je me dis : « Jean-Marie, tu vas faire juste une petite manœuvre, une très courte marche arrière en t’enfilant dans la Rue du Château, et le tour sera joué. »
Nous sommes en semaine, au beau milieu de l’après-midi… peu de circulation à cette heure ; tout devrait bien aller.
Coup d’œil devant, puis dans le rétroviseur : personne – j’enclenche la marche arrière, me dégage de la place de parking et cinq secondes plus tard, alors que j’avais quasiment fini ma manœuvre en étant presque entièrement engagé à rebours dans la Rue du Château, je vois une voiture littéralement foncer sur moi !
Le conducteur m’avait visiblement vu depuis une bonne distance, et voulant me faire peur, il s’était arrêté soudainement à 10 centimètres tout au plus de mon aile avant-gauche en se mettant immédiatement à m’invectiver assez vertement : « Alors –abruti- tu fais quoi, là ?! »… puis le qualificatif d’abruti glissa instantanément et venant de sa part au niveau de « connard » ; il était furieux, et le devint de plus en plus !
De mon côté, j’abaisse ma vitre et je ne fais que lui répéter avec une forme de sourire : « Excusez-moi » trois ou quatre fois… et puis : « Merci », puisqu’il m’avait visiblement fait la grâce de ne pas me mettre son poing dans la figure ; je poursuis le bout de marche arrière qui me permit de libérer totalement la rue et donc le passage de ce monsieur un tantinet pressé – et là, n’y tenant plus (et constatant également et peut-être que je ne me mettais nullement en colère), il bondit de sa voiture, les yeux exorbités, s’approche de ma vitre ouverte... je me voyais bien alors me faire rapidement malmener par ce singulier personnage et perdre pour l’occasion deux ou trois dents, ficelé ainsi que j’étais dans le creux de mon siège.
L’homme devait avoir une soixantaine d’années, des lunettes loupes, une forte carrure, le front bas et la volonté ferme. Il ne semblait ni avoir bu ni être sous l’emprise d’aucune drogue. Il était simplement hors de lui – ce qui pour l’occasion était tout de même déjà pas mal.
Là, j’avais vraiment bien peur… et aussitôt, de sur ma gauche, je vis arriver – devinez qui ? L’homme qui effectuait son déménagement et avec lequel nous nous étions gentiment salués tout juste auparavant.
Il avait fait 20 mètres pour me venir en aide : il arrive, n’adresse aucun mot au furibond avec lequel j’étais en prise, mais le repousse simplement et à peine du bout des doigts pour éviter le pire. Le vilain personnage disparut aussi rapidement qu’il était apparu.
La morale ou bien le sens de cette histoire ?… Il y en a deux, en fait (peut-être plus d’ailleurs) et vous avez certainement trouvé la première : le bien que nous faisons circule et n’est jamais perdu (que ce soit pour nous, ou pour autrui d’ailleurs) ; et la seconde ?… Il arrive que nous croisions ou côtoyions d’aventure des personnes qui – vivant dans un tel désarroi, ou dans un tel néant – sont prêtes à remplir ce « vide » et cette béance qui véritablement les occupe et tenaille par je ne sais quelle stupidité et même violence avérée.
Et là – cela peut-être pour le moins catastrophique pour les autres, ainsi que pour elles-mêmes bien entendu.
Jean-Marie Delthil. Bonny-sur-Loire, le 17 novembre 2021