Peut-être y verrions-nous un bon larron, encore en croix, pourtant lacéré, ficelé dans ses contorsions douloureuses. Le mauvais aurait, lui, été jeté à terre à même sa croix
Exposition d’œuvres de Christian Oddoux à Saint-Bonaventure, Lyon
La responsable dans Église à Lyon de la Commission diocésaine d’art sacré (CDAS), Violaine Savereux se « réjouis que Christian Oddoux ait accepté d’exposer une nouvelle fois sa belle Déposition de croix…dans l’église St-Bonaventure de Lyon pendant le Carême du 2 mars au 18 avril . « Carême 2022 ténèbres ou lumière » présentant deux artistes dans trois églises du diocèse ».
« Créée pour la chapelle de la Pitié-Salpêtrière à Paris en 1999, précise Violaine Savereux, l’impressionnante Déposition de croix nous plonge avec intensité devant la mort du Christ dans toute son horreur. Au Golgotha de la basilique Saint-Bonaventure, à côté du corps méconnaissable de Jésus descendu de la croix, le bon larron se dresse debout sur sa croix, assuré de son salut grâce à sa foi, tandis que le mauvais larron gît au sol, désarticulé, comme écrasé par le poids de son péché. Devant la scène, la couronne d’épines rappelle les supplices endurés par Jésus par amour pour l’humanité.
En face, une Mater dolorosa, inspirée d’une Crucifixion peinte par Andrea Mantegna : la Vierge Marie, terrassée par la douleur d’avoir vu son fils mourir sous ses yeux, est soutenue par trois femmes de ses amies. Une œuvre magistrale, violente, qui s’est imposée à l’artiste, témoin privilégié de la souffrance et des drames de ses contemporains.
Veillant en une douloureuse, mais sereine méditation, six moines pleurants en chêne, capuchons voilant leur visage, accompagnent le visiteur, réinterprétant de manière contemporaine les pleurants des tombeaux des Ducs de Bourgogne à Dijon.
Venir à l’église Saint-Bonaventure, 7 place des Cordeliers - 69002 Lyon
Ouverte le lundi de 14h à 19h, du mardi au samedi de 9h30 à 19h
Voir ci-dessous, le livret (PDF) explicatif de cet événement.
Christian Oddoux est né en 1947 à Perpignan. Après une enfance entre le Maroc et Bagdad, il fait des études de médecine. D’abord interne titulaire à Mâcon, il l’est ensuite à Paris, où il obtient son diplôme de Psychiatrie en 1977. Dès 1974, il entreprend également une formation de Psychanalyste. Passionné d’anatomie, il est également fasciné par le Japon et les arts martiaux.
Dès 1968, il prend goût au dessin. Ses réalisations dessinées sont faites à la mine de plomb, quelques fois rehaussées au lavis d’encre de Chine et à l’aérographe, à l’acrylique. Presque toutes sont en noir et blanc. À partir de 1980, il s’installe à Lugny en Saône-et-Loire et découvre la sculpture. Le bois est son matériau de prédilection ; il en connait les secrets et sait révéler formes et motifs les plus mystérieux. Il travaille essentiellement les arbres fruitiers, mais aussi l’acier et la pierre, surtout pour des œuvres extérieures. Depuis 1998, date de sa première exposition à l’abbaye romane de Tournus, Christian Oddoux a réalisé une vingtaine d’expositions de ses œuvres monumentales dans des lieux à l’architecture prestigieuse, notamment à la chapelle de l’hôpital de la Pitié-Salpêtrière, la cathédrale Saint-Lazare d’Autun, l’Abbaye de Ter Appel en Hollande. Ses œuvres sont exposées en permanence dans sa galerie Le Yügen (« Beauté profonde » en japonais), à Tournus.
Exposition en 2000 dans l’église de la Sainte Famille (Villeurbanne) pour la 3e biennale d’art sacré contemporain : « Passage ».
Né le 25 juin 1947 à Perpignan
Christian Oddoux : "Dès 1966, mes études de médecine, mon passage par la chirurgie, m'ont amené à l’étude de l'anatomie et donc à la pratique du dessin. Dès 1968, mes rencontres avec des artistes pris dans le mouvement post-surréaliste m'ont sensibilisé à une transcription, une interprétation plus artistique de cette approche du corps. Mes deux récentes expositions, au Réfectoire des moines de l'abbaye de Tournus (octobre 1998) et à la chapelle Saint-Louis de l'hôpital de la Pitié Salpêtrière à Paris (avril 1999) en témoignent puisque toutes les deux se sont tenues au titre de "Trans-anatomies". Il y a déjà là dans ce trajet une certaine expérience du passage, soit du corps médical au corps transanatomique, au sens où le corps n'est évidemment pas réductible à celui précisément décrit dans les manuels d'anatomie, voire de physiologie.
Cette première démarche s'est bien sûr avérée fondamentale quant à mon orientation dès 1974 vers la psychiatrie et la psychanalyse. Mon activité professionnelle se partage maintenant entre un travail d'écoute psychanalytique et un travail de dessin, de sculpture, qui n'est certainement pas sans transcrire un certain nombre de données mnémoniques interprétant plastiquement mes expériences personnelles dans cette espèce de corps à corps qu'est l'écoute de la souffrance, la maladie, dans cet espace qu’est celui du mal à dire.
S'il est une fonction qui me semble être commune à la pratique de la psychanalyse et à celle d'un artiste, c'est celle de Passeur, opérant entre intimité et public, entre privé et public, soit entre un savoir réservé et celui qui nécessite d'être partagé avec l'autre, ne serait-ce que pour qu'il puisse profiter à tous. Je vois là une certaine version du passage du sacré au profane.
J'ai donc proposé pour cette biennale une installation qui se présente selon le thème classique d’une déposition de croix, mais qui me semble devoir plutôt être lue comme une interprétation de trois états d’un même être en souffrance auxquels est annexée une couronne d'épines, excentrée, portée en avant, et mettant le spectateur un peu à distance, ne serait-ce que de ses a priori.
Peut-être, et seulement peut-être, y verrions-nous un bon larron, encore en croix, pourtant lacéré, ficelé dans ses contorsions douloureuses. Le mauvais aurait, lui, été jeté à terre à même sa croix. Moult précautions par contre ont été prises pour celui dont les langes en berceau ne seraient que paradigme entre ce qui se perd et ce qui se garde, voire entre la naissance et la mort. Ces filins d'acier diraient-ils d'ailleurs l'accompagnement qu'il faut pour naître à la vie ? Lirions-nous maintenant de gauche à droite trois états successifs d'un même événement, ceci ne voudrait pas moins dire que dans nos mémoires le temps c'est ce qui ne se compte pas".
Livret Carême 2022, Saint-Bonaventure Lyon