Heureux ceux qui ont faim et soif de cette justice, car ils seront rassasiés.
Ce matin encore, j’ai repensé au roman d’Anna Gavalda, Ensemble, c‘est tout.
Quelle beauté de voir s’entraider ces personnes malmenées par la vie ! Franck exprime une authentique sympathie pour « son grand Philou » uniquement parce qu’un jour, ce grand benêt, d’une autre époque, lui a tendu la main au bon moment. Issus de milieux, de cultures différentes, ils ont compris combien vivre ensemble construisait leur existence malheureuse de solitaires mal-aimés.
œuvre d'André Gence, l'infini au centre
L’auteur semble n’avoir aucune sympathie pour l’Évangile et l’Église. Même si je choque, j’ose dire que son récit conduit à l’annonce d’une Bonne Nouvelle mise en œuvre. En lisant plusieurs de ces pages, j’ai ressenti une grande émotion qui s’est traduite par les larmes. Pleurer en lisant un roman, c’est stupide ! non ?
Je remarque que les larmes –et je dis cela après avoir écouté un moine cistercien parlé du don des larmes dans la vie monastique- viennent quand on expérimente que l’attente, dans un profond désir, trouve enfin un aboutissement heureux.
Un exemple. Nicolas, ancien alcoolique, SDF, vient d’obtenir un appartement. Il veut un « chez-soi » bien propre, car, enfin, il va pouvoir recevoir son fils de 13 ans. Il y a longtemps qu’il désire cela : recevoir son fils. Enfin, c’est possible !
Le témoignage de cet homme ressemble à un récit de conversion. Le chemin qu’il a parcouru est émouvant jusqu’aux larmes. Il était si loin de ce but ! Désir et désillusions s’alternaient sans cesse. Enfin, la dignité retrouvée ! La simplicité, la sincérité de ce dialogue, sa profondeur ne peuvent qu’émouvoir. Avec réalisme il conclut : « pourvu que ça dure ! ».
« Heureux ceux et celles qui ont faim et soif de justice, de dignité, ils seront rassasiés ».
Il n’y a pas grande distance entre ce désir d’être aimé au niveau humain et le désir de rencontrer Dieu amour. Qui ne désire pas voir la vérité, la justice, la fraternité, l’amour absolu ? Marqué par une culture rationalisante, matérialiste, un tel désir est synonyme d’Utopie. On se moque de celui qui veut attraper la lune. Aussi, on n’ose pas parler de ses désirs. Cela sonne trop sentimentalement. Un romantisme illusoire déplacé.
Il m’arrive souvent d’évoquer la force du désir quand je dialogue avec les « militants » d’un autre monde, meilleur. Ceux-ci trouvent le dynamisme de leur combat dans un désir inassouvi. Soif de justice, de vérité, de respect. Les chrétiens parmi eux transcendent leur déception en puisant dans l’Évangile. Rien n’est impossible à Dieu. « L’un d’eux, écologiste, témoigne : « si nous souhaitons dans notre quotidien limiter nos consommations, freiner nos envies afin de vivre simplement et sobrement (pauvreté volontaire), c’est pour avoir un maximum de joie, de bonheur, c’est pas désir d’un maximum d’Amour, de Vérité. L’un ne va pas sans l’autre. L’objection de croissance est un refus de toutes formes de démesure propre à l’idéologie du toujours plus, pour un maximum de bonheur. Consommons moins pour vivre mieux ».
Lire sur ce point « La décroissance, le journal de la joie de vivre ».
Je traduis dans le langage chrétien ; pour rejoindre le désir de Dieu Amour, limiter ces besoins et obtenir une surabondance de grâces.
L’homme –insatiable- ne peut obtenir satisfaction que dans l’inépuisable, Dieu.