Révélation d'un drame qui se continue dans de nombreuses guerres civiles

Publié le par Michel Durand

Pour ne pas accroître la publicité de l’œuvre de l'artiste américain Andres Serrano, réalisée en 1987, Piss Christ, je me suis abstenu d’aborder le sujet. Mais, qu’à la suite des déclarations de Mgr Cattenoz, des catholiques puissent ne pas contrôler leur violence, m’invite à sortir de ma réserve.

piss-christ-1987-copie-1.jpg

> Un bain de pisse, me semble bien moins blasphématoire que ce que Jésus a subi aux jours de sa Passion, bien moins blasphématoire que ce nous continuons de lui faire subir quand nous oppressons le faible, faisons régner l’injustice et oublions ses commandements. Le Blog de Bérulle

 

Sortir de ma réserve ! Surtout que, encourager vraisemblablement par ces comportements, des personnes sont venus bousculer l’installation présente à St Bonaventure. La dite colonne pascale ne méritait pas tant d’honneur. Voir aussi ici.


Le recteur de St Bonaventure a affiché ce communiqué :

Le mardi 19 avril 2011, vers 19h30, alors que l’église semblait complètement vide, un (ou plusieurs) individu(s) ont fait tomber la « Colonne pascale » avec l’aide d’une corde et d’un mousqueton. La chute a beaucoup endommagé l’oeuvre, mais n’a heureusement blessé personne. Avant que le Musée d’art contemporain soit en mesure de la remettre en place, il nous est donc impossible de vous la montrer, et nous vous prions de nous en excuser.

L’ensemble de la signalétique et le marquage au sol sont pourtant maintenus, afin de manifester notre vive désapprobation d’un acte violent qui n’a que le courage de l’anonymat. Certes, comme je l’ai écrit à plusieurs reprises, cette œuvre suscite légitimement des réactions variées, et donne lieu à beaucoup d’échanges sur les liens entre le christianisme et les différentes formes artistiques. Mais il faut rejeter sans compromis tout ce qui revient à violenter anonymement l’espace public pour affirmer ses opinions.

L’emploi de la violence et le refus de l’assumer publiquement résonnent étrangement au moment où nous faisons mémoire de la mort et de la résurrection du Christ. L’auteur et ses éventuels complices semblent croire que la brutalité a le dernier mot, ce qui est exactement le contraire de la foi qui nous rassemble, selon laquelle l’amour seul triomphe de la mort.

Je ne puis que souhaiter que le(s) coupable(s) soi(en)t retrouvés et qu’il(s) rende(nt) enfin compte de ses (leurs) actes. C’est uniquement au prix de cette vérité que le pardon est possible.

Luc Forestier, prêtre de l’Oratoire, recteur de Saint-Bonaventure

 

Débattons donc.

Or, pour entrer dans le débat, il convient d’en poser les éléments.

Avec la prochaine biennale d’art sacré actuel (BASA) qui se tiendra à Lyon, du 22 septembre au 17 décembre 2011, dont le thème est le souffle, je souhaite, en effet,  réussir un débat réunissant de nombreux et variés créateurs contemporains. 

Par ce présent article, je tente donc de tracer les grandes lignes d’un éventuel débat.

Souhait des artistes

Il m’est souvent arrivé d’observer le difficile dialogue entre l’Eglise et les artistes. Ceux-ci souhaitent, parfois jusqu’à l’exiger dans leur propos, le soutien de l’Eglise. En témoignent les lettres et échanges qu’un service épiscopal reçoit pour qu’une exposition (ou concert) soit réalisée dans l’église cathédrale ; l’artiste étant alors l’invité de l’évêque. Dans ce contexte, les principaux frais sont assurés par celui qui invite.

Ou encore, autre exemple, les musiciens expriment ce souhait d’aide de l’Eglise en sollicitant l’usage gratuit d’une église et, très souvent en demandant que l’espace liturgique soit organisé de telle sorte qu’ils puissent, comme sur une scène de théâtre, placer chanteurs et musiciens.

En  résumé, ils veulent que l’Eglise se mettent au service de leur spectacle.

Souhait de l’Eglise (Institution)

Hélas, il arrive trop souvent que l’Eglise donne le témoignage de son ignorance du milieu artistique, surtout dans le monde des arts plastiques. En effet, elle montre plus d’intérêt pour la musique ; mais, à quelle condition ? N’est-ce pas la mettre exclusivement au service du culte catholique ? Je pense ne pas tracer une caricature en disant que, quand l’Eglise sollicite le travail artistique, c’est essentiellement dans la perspective de renforcer sa propre action. Elle accepte une œuvre à condition que celle-ci incite à la méditation, à la prière dans le cadre de ses habitudes liturgiques. Une œuvre qui, selon ses critères, fasse prier ; bref, qui soit à son service dans un sens cultuel. Et, comme le culte est une offrande à Dieu, il est souvent demandé aux artistes une prestation gratuite. Il faut effectivement reconnaître qu’une messe n’est pas un spectacle et qu’une billetterie n’est pas pensable dans ce contexte.

De même, s’il n’y a qu’une perspective cultuelle, comment peut-on imaginer une commande à un plasticien dans le but de donner à voir aux fidèles une œuvre qui fasse réfléchir sur nos actuels modes de vie, un regard sur la Révélation ? Parole de Dieu incarnée dans une humanité déterminée, une œuvre qui dérange nos habitudes afin d’ouvrir sur une concrétisation de l’Evangile incarné dans notre quotidien ouvert sur le Royaume.

En résumé, l’Eglise veut que les artistes se soumettent à ses critères, son désir.

De quel art parle-t-on ?

Chaque artiste étant créateur, il y aura autant de styles que d’artistes. On peut néanmoins tenter quelque classification.

 

Citons en premier l’art d’Eglise.

C’est celui qui répond à une commande ecclésiale interne. Une expression artistique destinée à l’usage liturgique. Une œuvre qui aide à la prière. Christ, Vierge, scènes évangéliques, expression du dogme etc…

L’artiste qui travaille dans cette perspective s’efforce de plaire à l’Institution. Il est possible de citer des noms correspondant à chaque catégorie. Je ne le fais pas afin d’éviter d’enfermer mon propos dans seulement quelques exemples. Mais libre aux lecteurs de laisser venir en mémoire des œuvres connues.

 

2d L’art personnel, spontanée

C’est celui, à mon avis, qui répond à une inspiration propre à l’artiste. Il a envi de traiter un sujet propre à la Révélation chrétienne et le fait sans aucune contrainte externe. Dans son style habituel, il glisse des thèmes bibliques, théologiques, ne se préoccupe aucunement de critères supposés préalables pour traiter ce sujet. Son but est de communiquer le spirituel qui l’habite ; de dire en toute liberté ce qu’il ressent.

 

3d L’art dit contemporain.

La désignation de contemporain devrait s’appliquer à toutes les œuvres qui sont actuellement créées. Mais, il n’en est pas ainsi, car le mot contemporain est académiquement réservé à un certain art d’avant garde qui prend sa source, entre autres, dans l’urinoir de Marcel Duchamp et serait terminé, selon le constat d’historiens d’art, dans les années 80. Art académique, art officiel qui trouve sa valeur sur le marché (valeur désormais monétaire) de l’art.

Prise comme discours philosophique, provocation ou interrogation, cette expression (plus artistique que plastique) peut avoir son mot à dire au sein de l’Eglise et de la Société. Reconnaissons néanmoins que le discours qui l’accompagne nécessairement pour que le spectateur saisisse le sens de l’œuvre importe en premier chef.


4d L’art idolâtre

C’est celui qui nie toute idée toute idée de transcendance possible, toute tendance spirituelle. Ne compte que l’objet posé sur une stèle. Il n’est valorisé que par son installation muséale. Le créateur ne dit rien d’autre que ce qu’il donne à voir. Dénué de transcendance verticale, il n’invite même pas à une transcendance horizontale, par exemple, un dialogue entre celui qui a créé et celui qui regarde, et éventuellement, admire. C’est un art essentiellement matérialiste qui n’a pas sa place au sein d’une Eglise et qui de recevra de valeur que dans un marché libéral exacerbé.

Conclusion

Si un tel débat pouvait être tenu avec des personnes reconnues pour leur compétence en ce domaine artistique, débat difficile car les passions débordent vite,  j’aimerais bien entendre des créateurs se reconnaissant dans l’une ou l’autres des ces tendances ou catégories que je viens de tracer. Entendre et écouter artistes et critiques d’art.


Publié dans Art

Pour être informé des derniers articles, inscrivez vous :
Commenter cet article
M
<br /> <br /> "il arrive trop souvent que l’Eglise donne le témoignage de son ignorance du milieu artistique, surtout dans le monde des arts plastiques."<br /> <br /> <br /> Et que dire de la littérature...<br /> <br /> <br /> Complètement absente, la grande inconnue dans l'Église...<br /> <br /> <br /> <br />
Répondre
M
<br /> <br /> Merci Marie-Paule pour votre commentaire.<br /> <br /> <br /> Et nous le savons. Nous sommes aussi l'Eglise.<br /> <br /> <br /> Je reçois cette polémique comme une invitation à me demander si moi aussi, je ne ferme pas les yeux devant une création artistique qui me dérange.<br /> <br /> <br /> <br />